Méconnue, la Résistance juive à la Shoah a pourtant joué un rôle très important. Présente dans de nombreux pays européens occupés, elle a pris diverses formes, allant de la résistance culturelle à la lutte armée. Une exposition à la Wiener Holocaust Library à Londres rend hommage à ces combattants.
Un épisode largement méconnu
La Résistance à l’occupation nazie a, dès la fin de la guerre, été louée, célébrée, et continue de l’être. Toutefois, il est un épisode qu’on mentionne moins, qui est la spécificité de la Résistance juive à la Shoah. L’historien Raul Hilberg fait partie de ceux qui ont dénoncé la passivité des juifs des premiers pogroms à la fin de la guerre. Selon lui, ce manque de réactivité viendrait de l’habitude prise par la population juive à subir les nombreux pogroms qu’elle a connus au cours de l’Histoire. Cette thèse est toutefois contestée par les historiens du mémorial israélien de Yad Vashem, qui mettent en lumière l’importance de la Résistance juive.
Il est vrai qu’au début des pogroms nazis, la population juive pense qu’en respectant les lois qui lui sont imposées par les Allemands, elle parviendra à échapper au pire que représentent la déportation et la mort. Mais, dès ce moment, des formes de résistance commencent à apparaître. La spécificité de la Résistance juive fut que ces derniers se battaient pour survivre, ainsi que pour leur culture. C’est ce que rappelle Georges Bensoussan, responsable éditorial du Mémorial de la Shoah : « Survivre est la première des forces de résistance […]. Résister, c’est tenter de faire connaître ce crime de masse. […] C’est déjouer l’euphémisation des nazis. » Ainsi, les actes de résistance juive prirent-ils de multiples formes, comme la lutte armée, ou encore la lutte culturelle pour permettre à leur peuple de survivre.
Insurrection, résistance culturelle… les multiples formes de la résistance juive
Cette Résistance juive a donc pris de multiples formes. L’épisode le plus emblématique est sans conteste l’insurrection du ghetto de Varsovie, du 19 avril au 8 mai 1943. À l’intérieur du ghetto, où les conditions de vie sont épouvantables, un groupe de résistance clandestine a vu le jour, sous l’impulsion d’un jeune homme de 24 ans, Mordechaï Anielewicz : l’Organisation juive de combat (OJC). En janvier de la même année, déjà, ils avaient réussi à faire fuir les troupes d’occupation allemande qui cherchaient à déporter des habitants. Avec des moyens totalement inégaux, les insurgés tiennent plus de 3 semaines, mais finalement, la puissance de guerre nazie finit par l’emporter et liquider le ghetto. La raison de cette insurrection n’était pas un quelconque espoir de survivre ou de l’emporter, mais la volonté de se battre jusqu’au bout, afin de mourir debout, dans la dignité.
Des soulèvements ont lieu également dans les camps de concentration : ainsi, en août 1943, des révoltes ont lieu à Treblinka : des groupes d’hommes employés de force dans les Sonderkommandos tuent des commandants et gardes du camp et mettent le feu aux baraquements et aux chambres à gaz. À Auschwitz, un groupe fait exploser un four crématoire. En France, la Résistance juive est extrêmement importante : une organisation militaire clandestine, l’Armée juive, fait de la lutte armée contre l’occupant son cheval de bataille. Ils multiplient les attaques contre les soldats allemands. Certains en paieront le prix fort, comme les partisans du réseau Manouchian, dont les noms et visages ont été rendus célèbres par l’Affiche rouge. D’autres cherchent à se venger : les Avengers, ou Nokmim (הנוקמים), à la fin de la guerre, ont traqué et tué des criminels nazis.
L’exposition de la Wiener Holocaust Library rend hommage à cette multitude de personnes qui ont donné leur vie pour sauver leur culture. Ainsi, Tosia Altman, par exemple, jeune Polonaise ayant organisé des révoltes armées dans les ghettos, se trouve aux côtés de Philipp Manes, déporté, qui a rendu compte chaque jour de sa vie en déportation. Une part importante de la Résistance juive consistait à rendre compte des horreurs subies, de poursuivre l’enseignement de leur culture, y compris dans les camps de la mort, de continuer de pratiquer… en un mot, résister à l’annihilation.