Stephane Baillet, l’assassin de Halle, clame sa haine antisémite devant les juges et les victimes juives préservées par leurs mesures de sécurité : « J’aurais pu tuer femmes et enfants ».
Stephan Balliet prend un plaisir évident à répondre aux questions des avocats. Celui qui a scandalisé l’Allemagne entière, il y a 9 mois, en attaquant une synagogue, le jour de Yom Kippour, dans la ville de Halle, ne renie quasiment rien depuis l’ouverture de son procès, le 21 juillet dernier, devant la cour pénale de Magdebourg, en Saxe-Anhalt.
Le 9 octobre 2019, cet homme de 27 ans tente de faire exploser la porte de la synagogue, dans laquelle étaient alors rassemblées 52 personnes, avant de lancer une grenade dans le cimetière adjacent pour faire sortir les fidèles. Faute d’y parvenir, il tue une passante, en pleine rue, puis abat un homme de 20 ans dans un restaurant turc, tout en filmant les faits. Quelques heures plus tard, Stepahn Balliet est arrêté à l’issue d’une course-poursuite.
Neuf mois plus tard, ce jeune homme de petite taille, au crâne presque rasé et au visage effilé, habillé de noir et menotté aux chevilles, assène sa vision du monde, entre deux rires et sourires. Oui, il a bel et bien voulu tuer “le plus de Juifs possible”, ses “ennemis”, tonne-t-il de sa voix légèrement éraillée. “Auriez-vous tué sans distinction hommes et femmes si vous étiez entré dans la synagogue ?”, lui demande un avocat. “Oui, les Juifs veulent l’égalité des sexes, n’est-ce pas ?”, répond-il. “Des enfants aussi ?”, ajoute l’avocat. “Oui, si cela avait empêché un jour mes propres enfants d’avoir à le faire eux-mêmes”, avoue-t-il, sans ciller. “Et si vous aviez croisé des enfants noirs, en pleine rue, auriez-vous tiré ?”, demande un autre avocat. “Question difficile”, répond-il, amusé par la perspective. “Je crois bien que oui”, finit-il par déclarer.
Devant les juges, Stephan Balliet se qualifie “assurément” d’antisémite mais refuse de répondre au qualificatif de “nazi”. “Pourtant c’est ce que vous êtes”, lui rétorque une avocate, après qu’il a accusé “les Juifs d’avoir créé communisme et féminisme” et “de conquérir l’Europe depuis 2000 ans en soumettant l’homme blanc”. Pour l’avocate Assia Lewin, “Stephan Baillet tente évidemment de transformer son procès en tribune”. “C’est inévitable, assure-telle. À nous, avocats, de le contrer”, note-t-elle.
Très loquace sur ses motivations, l’accusé rechigne en revanche à répondre aux questions concernant sa famille et son influence sur sa radicalisation. “Aucune”, tonne-t-il, visiblement touché. “Nous ne parlions jamais de politique à la maison”, assure-t-il. Certains avocats n’y croient pas et rappellent que jusqu’à l’attentat, le jeune homme vivait encore chez sa mère, dans un petit trois-pièces, près de Halle, après avoir mis un terme prématuré à ses études de chimie. La lecture d’une lettre de sa mère – par ailleurs professeure d’éducation civique – confirme les doutes. Elle y accuse ouvertement “les Juifs et la société” de l’avoir “détruit” “elle et son fils”.
De son côté, Stephan Balliet maintient la ligne du loup solitaire. Il dit avoir toujours agi seul, sans soutien et se présente comme un amateur d’armes, asocial, sans ami, sans petite amie, sans modèle, sans activité sportive. Sa radicalisation aurait donc eu lieu sur Internet, en solo, sans lien avec aucune structure connue en Allemagne, mais insufflée par la crise migratoire de 2015 et sa crainte que “les musulmans et les étrangers conquièrent le pays”.
En mars 2019, l’attentat de Christchurch en Nouvelle-Zélande, commis par un extrémiste, avec la mort de 50 musulmans, l’aurait conforté dans l’idée d’agir, “car cela en vaut la peine”. Il choisira la date de la fête du Yom Kippour pour cela, confectionne ses armes lui-même avec une imprimante 3D, les cache sous son lit, et publie un manifeste en anglais dans l’espoir d’être lu au-delà de l’Allemagne.
Stephan Balliet concède toutefois quelques regrets : avoir tué une “Blanche”, devant la synagogue, et surtout avoir “échoué à atteindre son objectif” dans la synagogue. Il le reconnaît, il a multiplié les erreurs, par un manque de préparation et des armes de mauvaise qualité. “Je ne suis pas un bon guerrier, vous l’avez vu”, énonce-t-il en regrettant de s’être “ridiculisé aux yeux du monde”. Dans la salle, les parties civiles accusent le coup.