Le texte autorise le médecin ou tout autre professionnel de santé à déroger au secret professionnel lorsqu’il « estime en conscience » que les violences mettent la vie de la victime « en danger immédiat » et qu’il y a situation d’emprise.
Par un ultime vote du Sénat, le Parlement a adopté définitivement, mardi 22 juillet, une proposition de loi destinée à mieux « protéger les victimes de violences conjugales », en introduisant notamment une exception au secret médical en cas de « danger immédiat ».
Approuvé la semaine dernière par l’Assemblée nationale, il autorise le médecin ou tout autre professionnel de santé à déroger au secret professionnel lorsqu’il « estime en conscience » que les violences mettent la vie de la victime « en danger immédiat » et qu’il y a situation d’emprise.
Ce texte constitue le deuxième volet législatif en quelques mois d’un arsenal qui se veut offensif et a fait l’objet d’un accord sans difficultés majeures entre députés et sénateurs en commission mixte paritaire, même si des élus comme les associations souhaiteraient aller plus loin. Il suit le Grenelle des violences conjugales piloté à l’automne 2019 par Marlène Schiappa, alors secrétaire d’Etat à l’égalité femmes-hommes et à la lutte contre les discriminations.
La rédaction a été précisée par les sénateurs, sur cette disposition contestée qui touche à un pilier de la relation entre le médecin et son patient. « En 2019, ce sont 149 femmes qui ont perdu la vie et autant de familles brisées à jamais. Nous ne pouvons demeurer inertes face à ces tragédies humaines », a souligné devant les députés la nouvelle ministre déléguée à l’égalité femmes-hommes, Elisabeth Moreno, reprenant des chiffres des associations.
39 féminicides en 2020
Depuis le début 2020, ce sont au moins 39 femmes qui ont été tuées par leur conjoint ou ex, selon un décompte réalisé par l’AFP, incluant deux meurtres la semaine dernière. Ce nombre semble en baisse par rapport à l’année précédente, mais les associations y voient surtout une conséquence du confinement, beaucoup de féminicides étant commis lorsque la femme veut partir. L’AFP avait recensé quelque 70 décès entre janvier et juillet en 2019 et au moins 126 cas sur toute l’année.
Le texte alourdit aussi les peines en cas de harcèlement au sein du couple, les portant à dix ans d’emprisonnement lorsque le harcèlement a conduit la victime à se suicider ou à tenter de se suicider. Il réprime la géolocalisation d’une personne sans son consentement et crée une circonstance aggravante en cas de violation du secret des correspondances par un conjoint ou ex-conjoint, pour mieux lutter contre les « cyberviolences conjugales ».
Afin de protéger les enfants, la proposition de loi ouvre la possibilité de suspendre l’autorité parentale dans le cadre du contrôle judiciaire. Elle renforce, par ailleurs, la protection des mineurs concernant l’exposition à la pornographie.
Première série de mesures en 2019
Une première série de mesures contre les violences au sein de la famille avait déjà été adoptée fin 2019, dans la proposition de loi du député LR Aurélien Pradié, dont la généralisation du bracelet antirapprochement contre les conjoints et ex violents.
L’adoption définitive du 2e volet législatif s’inscrit dans un contexte polémique après la double nomination à l’intérieur de Gérald Darmanin, visé par une plainte pour viol, et d’Eric Dupond-Moretti, très critique envers le mouvement #metoo, à la justice.
Dans la bronca des féministes, la sénatrice PS Laurence Rossignol, ex-ministre des droits des femmes, a dénoncé « une grande claque lancée à toutes les femmes et à toutes les victimes de violences sexuelles et sexistes ». Aurélien Pradié a, quant à lui, reproché au nouveau garde des sceaux d’être « terriblement silencieux » sur les violences conjugales depuis sa prise de fonctions, dans un courrier adressé au ministre.
Eric Dupond-Moretti a réaffirmé lundi, lors de son audition par la Commission des lois à l’Assemblée, être victime d’un « mauvais procès », réaffirmant être « viscéralement favorable à l’égalité hommes-femmes ». Dans un entretien au Journal du dimanche, il a inscrit la lutte contre les violences conjugales parmi ses priorités, souhaitant que « les hommes suspectés de violences conjugales, s’ils ne sont pas déférés, soient convoqués par le procureur et reçoivent un avertissement judiciaire solennel ».