Ne nous laissons pas duper par les déclarations de la présidente du Rassemblement national à l’occasion de la commémoration de la rafle du Vel’ d’hiv.
Le 16 juillet 2020, de nombreuses personnalités politiques ont commémoré la rafle du Vel’ d’hiv où, sous les ordres des SS, des milliers de Juifs furent arrêtés par la police française, séquestrés dans le Vélodrome d’Hiver à Paris, puis déportés dans les camps nazis desquels ils ne sont, pour la plupart, jamais revenus. En ce jour du souvenir, le président de la République, Emmanuel Macron a laissé ces mots sur Twitter:
Les 16 et 17 juillet 1942, plus de treize-mille Juifs furent arrêtés. Par des Français, par l’État français. Parce qu’ils étaient Juifs. Plus de huit-mille furent détenus au Vel d’Hiv avant d’être déportés à Auschwitz. N’oublions jamais.
— Emmanuel Macron (@EmmanuelMacron) July 16, 2020
Faire peau neuve
Si l’ancien Premier ministre, Manuel Valls, n’a pas été très original dans un tweet du même jour, en répétant mot pour mot les phrases du président de la République, la surprise est venue de la présidente du Rassemblement national, Marine Le Pen qui a déclaré sur Twitter en ce jour solennel que «la Commémoration de la rafle de Vel’ d’hiv nous rappelle au devoir de mémoire face à l’expression la plus abjecte et abominable de l’antisémitisme».
La Commémoration de la rafle du Vel d’Hiv nous rappelle au devoir de mémoire face à l’expression la plus abjecte et abominable de l’antisémitisme.
— Marine Le Pen (@MLP_officiel) July 16, 2020
Avec un tel message, premier de ce genre, Marine le Pen savait qu’elle susciterait des réactions. Le même jour, et sans aucun commentaire, Arno Klarsfeld a retweeté ses mots.
Le lendemain, c’est au tour de son père, l’historien et le président de l’association des Fils et filles des déportés juifs de France, Serge Klarsfeld de déclarer dans un communiqué que «Marine Le Pen a fait un pas en avant»: «À partir du moment où la présidente du Rassemblement national a condamné de la façon la plus ferme la rafle du Vel’ d’hiv organisée par la police de l’État Français de Vichy, elle a renié son père, laudateur de Philippe Pétain.»
Ainsi, les mots de Marine Le Pen ont-ils été salués cette semaine par opposition à ceux qui ponctuaient certains de ses discours antérieurs.
Il faut dire que depuis quelques années, Marine Le Pen, et son parti, tentent de faire peau neuve et de se rapprocher de la communauté juive. En janvier 2017, le député européen du Rassemblement national, Nicolas Bay, en voyage en Israël, est venu se recueillir à Yad Vashem, le grand centre mémoriel de la Shoah, dans l’intention à la fois de blanchir le passé des cadres frontistes collaborationnistes et négationnistes, de dédiaboliser le parti d’extrême droite et de séduire l’électorat juif. Depuis, Marine Le Pen ne ménage pas sa peine pour dénoncer l’antisémitisme et montrer au peuple français que le parti qu’elle dirige n’est pas un parti antisémite. Mais ne soyons pas dupes, tout ceci n’est que manœuvre politique.
Manœuvre politique
D’ailleurs dans ce message qui a réjoui les Klarsfeld, Marine Le Pen précise-t-elle à qui revient la responsabilité de ces rafles criminelles? Serge Klarsfeld le précise dans son communiqué: «Il lui reste à approuver le discours de Jacques Chirac en 1995 et la loi Gayssot qui protège du négationnisme les victimes de la Shoah.» Dans une polémique créée de toute pièce en 2017, alors qu’elle était candidate à l’élection présidentielle, n’avait-elle pas clairement déclaré à la presse que «La France n’est pas responsable du Vél’d’hiv»?
À l’heure où nous devons nous rappeler les rafles du Vel’ d’hiv, n’oublions jamais que des intellectuel·les, des politicien·nes d’extrême droite, par antisémitisme, par anticommunisme, ont aidé le nazisme à se renforcer en France, et que certains des fondateurs du parti du Front national étaient d’anciens collaborateurs. N’oublions jamais «Les chambres à gaz, point de détail de l’histoire», selon le papa Le Pen. N’ignorons pas les rapprochements actuels de Marine Le Pen avec les principaux leaders d’extrême droite européens qui, pour leur part, ne cachent pas leur antisémitisme (par exemple l’Estonien néo-nazi Ruuben Kaalep en 2019).
Souhaiter ou rêver que l’antisémitisme soit retiré des discours des leaders d’un parti d’extrême droite qui compte des membres de plus en plus nombreux est compréhensible, mais devons-nous pour autant évoquer les propos de Marine Le Pen comme une «avancée»?! Avons-nous le droit de laisser planer la moindre ambiguïté vis-à-vis d’un parti d’extrême droite où le racisme, la haine de l’étrangère, de l’autre sont ancrés dans la rhétorique et sont contraires aux valeurs du judaïsme? La réponse est non. Nous devons rester vigilants contre l’idéologie de l’exclusion.
Bonjour,
Tout à fait d’accord, mais il n’y a pas que l’extrême droite, l’extrême gauche n’est pas en reste !