Redoutée par les professionnels du tourisme, la désaffection des visiteurs étrangers se confirme en cette mi-juillet. Certains opérateurs résistent grâce à la clientèle domestique. L’inquiétude monte à propos de la rentrée et du tourisme d’affaires.
Aller à la tour Eiffel , au Musée du Louvre, au château de Versailles… L’incontournable programme du visiteur de Paris est cet été un « bon plan » pour des Parisiens ou banlieusards d’habitude rebutés par de longues files d’attente. Alors que la saison estivale devrait battre son plein dans la « Ville Lumière » en cette mi-juillet, les touristes, en particulier cette clientèle à haute contribution venue des Etats-Unis, d’Asie ou du Moyen-Orient, font défaut. Cette conséquence de la crise sanitaire, qui était attendue, pour ne pas dire redoutée, des professionnels, se confirme.
« La saison est calme. Ce n’est pas tant une question de désirabilité qu’un problème de restrictions dans certains pays, de dessertes aériennes. Il est évident que l’été sera en demi-teinte d’autant que nous sortons de deux années exceptionnelles », commente ainsi la directrice générale de l’Office du Tourisme et des Congrès de Paris, Corinne Menegaux. « L’été, c’est 26 % de la fréquentation de l’année, et 60 % de clientèle étrangère [sur la base des arrivées dans les hôtels, NDLR] », précise-t-elle.
Une hôtellerie déprimée
Illustration de cette désaffection générale : la plupart des palaces ou grands hôtels de la capitale sont toujours fermés et ne rouvriront que début septembre. C’est le cas dans l’ouest parisien du Bristol, du Four Seasons George V, du Meurice, du Prince de Galles ou du Shangri-La, ou, côté rive gauche, du Lutetia. D’une manière générale, l’hôtellerie parisienne demeure déprimée. « L’activité augmente tout doucement. Toutes les catégories souffrent », constate le dirigeant du cabinet spécialisé MKG, Vanguelis Panayotis. Le taux d’occupation des établissements s’élève à 30,3 %, soit 58,2 points de moins par rapport au niveau record de juillet 2019, pour un parc commercialisé à hauteur de 42 %, dit-il.
De son côté, le Syndicat national des résidences de tourisme confirme que « les prévisions pour la période estivale sont catastrophiques » pour Paris et l’Ile-de-France, « surtout pour les segments 4 et 5 étoiles ». Le taux d’occupation pour juillet-août est estimé à 23 % pour les premiers et à 10 % pour les seconds, à comparer, respectivement, à 80 % et 90 % un an auparavant. La plateforme de location Airbnb, dont la clientèle sur Paris était majoritairement étrangère l’an dernier, est également pénalisée avec une activité « fortement impactée », tout en observant de « premiers signes encourageants à l’automne ».
Des restaurateurs à la peine
La restauration parisienne paraît également à la peine. « Nous avons fait le choix de rouvrir tous nos établissements. Nous sommes sur une tendance à -50 %, c’est mieux que notre prévisionnel mais nous ne gagnons pas d’argent. Il y a de grosses disparités selon les quartiers, les plus touchés étant les quartiers touristiques », indique Christophe Joulie, le patron du groupe familial éponyme (15 restaurants et brasseries). Chez André, situé rue Marbeuf dans le 8e arrondissement, « souffre de la fermeture des grands hôtels », précise-t-il, tandis que le célèbre Bouillon Chartier , sis rue du Faubourg-Montmartre, ne profite pas des nombreux touristes qui baguenaudent à l’accoutumée sur les grands boulevards du 9e.
A contrario, le restaurant étoilé Le Jules Verne de la tour Eiffel (une concession Sodexo avec le chef Frédéric Anton aux fourneaux) affiche un taux d’occupation – à date – de 88 % pour juillet. La désaffection des visiteurs étrangers y est compensée quasiment en totalité par un surplus de clientèle domestique, avec un socle de Français qui frôle les 100 % !
Pour vivifier la consommation touristique locale, l’Office du Tourisme et des Congrès de Paris a lancé une initiative avec la Ville de Paris et la Fédération nationale des guides interprètes et conférenciers. Elle propose jusqu’au 30 août plus de 700 visites guidées gratuites sur une quinzaine de parcours pour découvrir ou redécouvrir la capitale.
Une clientèle volatile
L’hémorragie touristique de la capitale frappe aussi les jeunes pousses du tourisme local, comme My Urban Experience, un jeune spécialiste des jeux de piste. Avec une activité en retrait de 5 à 10 % par rapport à juillet 2019, la start-up fait preuve d’une certaine résistance dans le contexte ambiant, mais là encore grâce aux Français : « Nous nous adressons majoritairement aux familles. Et notre clientèle est très majoritairement française, viennent ensuite les étrangers francophones », précise Jean-Baptiste Delsuc, le cofondateur de la société.
A l’instar d’autres professionnels du tourisme parisien, Jean-Baptiste Delsuc prévient toutefois qu’« août s’annonce compliqué ». « En août 2019, nous avions une part plus importante de touristes étrangers, de l’ordre de 50 %. Ils ne viendront pas cette année. Or, les Parisiens vont partir en vacances », souligne-t-il. « En réalité, c’est maintenant que cela se joue. Il y a une très grosse interrogation sur la période 15 juillet-20 août », renchérit le restaurateur Christophe Joulie.
Ce doute ne semble pas effrayer Batobus et Bateaux Parisiens, les deux compagnies du groupe Sodexo tournant à nouveau, depuis peu, 7 jours sur 7. Cette montée en puissance s’accompagne d’une politique commerciale axée sur les Parisiens et leurs enfants. Et si le retour de Disneyland Paris, à nouveau ouvert depuis le 15 juillet , donne du baume au cœur à l’Office du tourisme parisien, les professionnels du secteur stressent déjà pour la rentrée, avec pour grand enjeu le rebond du tourisme d’affaire. Si le plan sanitaire ne vient pas s’inviter dans l’agenda…