Dans son autobiographie Comme un tison sauvé du feu, cette ancienne enfant cachée déploie les ailes de la mémoire et s’autorise enfin à raconter : la solitude, le sentiment d’abandon, la peur mais surtout une rage viscérale de vivre.
Au cours de cette existence hors-norme qui la conduit de Paris à Jérusalem en passant par Londres, Meïra Barer devient lozérienne pendant une année. Elle se souvient. « J’avais quelques mois lorsque j’ai été emmenée loin de mes parents et je n’ai pu retourner dans ma famille que trois ans plus tard. Maintenant j’ai neuf ans et ça recommence. » En 1950, quand Meïra Barer, née Monique Suzanne Bursztejn, quitte Paris pour les environs de Marvejols, ce n’est pas de gaîté de cœur. « Manman (sic) nous a envoyés Papy (NDLR : le frère cadet de Meïra) et moi à la campagne « pour respirer le bon air […] J’ai l’impression d’être à nouveau une enfant cachée. » Adulte, elle en déduira que sa mère était « dépassée, épuisée jusqu’aux tréfonds de son âme par les malheurs qui l’ont frappée pendant la Shoah. » Par la disparition de son mari, ses parents, toute sa famille.
Gardienne de troupeau
En attendant, la fillette d’alors trouve quand même « des bons côtés » à cette vie paysanne : « Je ne vais pas à l’école, j’aide à ramasser les pommes de terre dans les champs, je garde les vaches et ça, c’est un grand plaisir. » Elle assiste à la naissance d’un veau, apprend les subtilités du langage et ce que signifie « amener la vache au taureau », sait donner le biberon aux bêtes et devient la référente pour la fabrication du beurre.
Le « grand événement » mensuel tient une place privilégiée dans la mémoire de la petite fille. Il s’agit de la foire de Marvejols. Les potins au café, les expositions de victuailles, les regards énamourés des jeunes filles qui se cherchent « un promis » et réciproquement. « On y choisit, on y marchande et on y achète des vaches et des cochons pour la reproduction. »
Cependant, plusieurs événements vont considérablement ternir cette retraite « imposée » dans le Massif Central. Les deux petits pensionnaires réalisent que leur courrier, celui qu’ils envoient à leur maman, est contrôlé par la fille de la maisonnée. Mais bien pire, cette dernière leur interdit de se lever la nuit pour « aller faire pipi » et ils ne se lavent jamais… Mais la situation va se tendre encore le jour où la cruelle chaperonne les « démasque » : « Tu es juive, sors ! » Dès lors, les enfants sont privés de sortie le dimanche. Ils sont « enfermés avec les vaches ». Quand la mère de Meïra débarque à l’improviste à la ferme pour récupérer ses enfants, elle découvre avec stupéfaction et effroi « notre saleté et nos guenilles, les croûtes qui marquent mes épaules ».
Si l’épisode lozérien de Meïra Barer s’achève ici, le livre, lui, ne fait que commencer et les aventures de son auteur aussi.
« Miraculeusement rescapée »
Elle est dans les bras de sa mère, âgée d’à peine neuf mois, quand sa famille est raflée ce 16 juillet 1942 à Paris. Premier miracle d’une vie pleine de rebondissement, elle est mise à la porte de cette prison qui est l’antichambre du camp de Drancy puis d’Auschwitz par des policiers excédés par les cris stridents de ce bébé.
Ce jour-là, 9 000 hommes, femmes, enfants et vieillards parisiens sont arrêtés par des policiers et gendarmes français puis parqués dans des conditions sanitaires déplorables au Vélodrome d’Hiver, rue Nélaton à Paris. La rafle va se poursuivre le lendemain et jusqu’au 22 juillet. Plus de 13 000 Juifs vont être interpellés, puis déportés. Seule une centaine de personnes reviendront des camps de la mort.
À l’occasion de la 78e commémoration de la Rafle du Vél d’Hiv, Meïra Barer espère transformer « cette date anniversaire de mort en un anniversaire de vie. J’ai été miraculeusement rescapée, aujourd’hui je suis en Israël. Être Juif, ce n’est pas être victime.«
Comme un tison sauvé du feu – Editions Les 3 Colonnes
Rappeler sans cesse cette horreur, c’est un devoir, la France ne sort pas grandie, bien au contraire car ça continue avec l’aval des autorités.
Am Israel Haï