La célèbre auteure de « La Couleur pourpre » a relayé une vidéo David Icke reliant la pandémie due au Covid-19 aux juifs, alors que Facebook et YouTube ont décidé de supprimer les comptes de celui-ci.
David Icke est un ancien joueur de football, un ex-journaliste sportif à la BBC, autrefois affilié au Green Party, le Parti vert britannique. Cet homme a connu plusieurs vies, mais c’est sa plus récente incarnation qui lui vaut le plus d’attention. Il est, à 68 ans, l’une des vedettes de la sphère conspirationniste en Europe, un homme qui a cumulé jusqu’à 800 000 abonnés à sa page Facebook, et dont les différents ouvrages, publiés à compte d’auteur, attirent un public aussi nombreux que fidèle. On trouve ainsi parmi ces lecteurs laudateurs la romancière Alice Walker, auteur de La Couleur pourpre, l’un des romans les plus populaires de l’histoire de l’édition aux États-Unis, récompensé, en 1983, du prix Pulitzer et de l’American Book Award, avant de se trouver adapté au cinéma par Steven Spielberg en 1985.
Comme tous les théoriciens du complot, David Icke est persuadé qu’une société secrète contrôle les intérêts de la planète. Et, comme beaucoup de théoriciens du complot, David Icke avance que cette société secrète est juive. Récemment, ce dernier affirmait que « le coronavirus avait été créé par la dynastie bancaire juive des Rothschild » et que l’État d’Israël mettait à profit la pandémie « pour tester sa technologie ». Des propos qui ont valu la mise à l’écart de cette figure de la complosphère anglophone. Ainsi, dans sa lettre hebdomadaire du 11 mai, le site Conspiracy Watch, l’Observatoire du conspirationnisme en France, annonçait que les propos outranciers de David Icke sur un supposé complot présidant à la propagation du Covid-19 avaient conduit à la suppression de ses comptes sur Facebook et YouTube, en attendant qu’Instagram et Twitter suivent cet exemple.
Cette affaire n’est cependant pas soldée. Début mai, la romancière Alice Walker, ancienne militante des droits civiques, proche de Martin Luther King, a relayé sur son site officiel une des vidéos du Britannique. Celle qui se décrit comme une « féministe noire » dépeignait dans La Couleur pourpre la double oppression à laquelle est soumise la femme noire aux États-Unis, victime de la société blanche, puis des hommes noirs. C’est donc au nom d’une autre oppression, celle du supposé complot juif, que la célèbre écrivaine accompagnait la vidéo où David Icke résout le mystère de l’origine de cette pandémie de ces mots : « Rendez-vous compte, nous parvenons enfin à prendre la mesure de l’invisible ! »
Positions antisémites virulentes
Reconnaissons à Alice Walker le mérite de ne pas avancer masquée. Interrogée en décembre 2018 par le New York Times, qui lui demandait quels ouvrages se trouvaient sur sa table de nuit, la romancière citait quatre livres, dont l’essai de David Icke, And the Truth Shall Set You Free, que l’on pourrait traduire par La Vérité te délivrera : « Dans les ouvrages d’Icke, explique Alice Walker, c’est toute notre existence sur cette planète que nous devons reconsidérer. Comme si le rêve d’une personne curieuse se concrétisait. » Le « rêve » d’Alice Walker s’avère un cauchemar. Le livre d’Icke recycle de vieilles antiennes. Avec l’idée force que Les Protocoles des Sages de Sion, un faux publié au début du XXe siècle dans la Russie tsariste, présenté comme un plan de conquête du monde établi par les juifs et les francs-maçons, constitue une grille de lecture toujours pertinente.
Entre autres délires, l’essayiste affirme que le Ku Klux Klan serait contrôlé par des organisations juives, les organisations d’extrême droite en Grande-Bretagne financées par les services secrets israéliens, alors que les actes antisémites, augmentant de manière exponentielle en Occident depuis le début des années 2000, seraient orchestrées par les juifs eux-mêmes. David Icke se révèle tout aussi fantaisiste sur d’autres dossiers : il est tout à la fois climatosceptique, vaccinosceptique et hostile aux thèses officielles sur les attentats du 11 septembre 2001.
Alice Walker n’a jamais fait mystère de ses positions antisionistes virulentes, et de son soutien actif à Boycott, désinvestissement et sanctions (BDS), une organisation appelant aux boycotts économique, académique et culturel de l’État d’Israël. La romancière est allée jusqu’à exiger que La Couleur pourpre ne soit en aucun cas traduit en hébreu. Attaquée pour antisémitisme, Alice Walker s’est défendue dans un post publié en novembre 2017 à l’aide d’un long poème intitulé C’est notre (terrifiant) devoir d’étudier le Talmuda. Les juifs, responsables des malheurs du monde, sont décrits comme les assassins du Christ. Depuis, le covid-19 est apparu. Un nouveau fléau dont les juifs s’avèrent, aux yeux d’Alice Walker, les propagateurs. Au point où l’on peut se demander comment une romancière aussi respectée a pu échapper aussi longtemps à l’opprobre.
Lire aussi (si possible) cet article (parfois bizarre) qui rappelle le passé de Walkers et son union avec un juif, Mel Leventhal.