L’Etat hébreu, l’un des premiers pays à avoir fermé ses frontières, s’apprête à élargir la rentrée échelonnée à d’autres tranches d’âge, jusqu’à reprise des facs mi-juin.
Sourire derrière la visière en plexiglas et pistolet infrarouge de température sur son bureau, Miri Rubin est la dirlo du monde d’après. Cela fait dix jours que l’école primaire Gabrieli Carmel, dans le cœur de Tel-Aviv, a rouvert ses portes aux CP, CE1 et CE2, conformément à la stratégie de déconfinement du gouvernement israélien, qui a également vu les lycéens de première et de terminale reprendre les cours.
Combinaison
Avec le Danemark et l’Allemagne, l’Etat hébreu, l’un des premiers pays à avoir fermé ses frontières, est à l’avant-garde des rentrées post-confinement. Selon un conseiller ministériel, «il y a deux tendances : rouvrir maternelles et primaires pour laisser les parents retourner au boulot, ou ramener les élèves qui doivent passer des examens. On a choisi la combinaison des deux». Les crèches testent un système «à mi-temps», les groupes divisés par deux et accueillis à tour de rôle, trois jours sur six. Dès ce dimanche, le gouvernement entend élargir la rentrée échelonnée à d’autres tranches d’âge, jusqu’à reprise des facs mi-juin.
Pour l’instant, le retour se fait sur la base du volontariat. Lors du coup d’envoi, le 3 mai, l’absentéisme était de 40% chez les primaires. Nombre de lycées avaient choisi de ne pas rouvrir leurs portes. Mais à Gabrieli Carmel, 90% des écoliers ont déjà retrouvé leurs bureaux, désormais soigneusement espacés les uns des autres. Les classes ont été divisées par deux, en groupes de 17 élèves maximum, selon les dernières directives. Chaque groupe a une heure d’entrée différente dans l’établissement, avec interdiction pour les parents de s’attarder devant le portail.
Attestation
Chaque enfant doit présenter une attestation certifiant que sa température a été prise le matin même avant de recevoir un bracelet de couleur, qui indique à quel groupe il appartient et quelles zones de l’école lui sont accessibles. Il y a désormais des salles de classe rouges, vertes ou jaunes, des toilettes marquées de pastilles correspondantes et des secteurs de cour de récré divisés par des rubalises. Protocole inventé par l’équipe éducative, dans un pays qui encourage la créativité plutôt que la verticalité.
Pour éviter les chagrins, «on a essayé de former les groupes par affinités, assure Miri Rubin. Mais je dis la vérité aux parents : même si on fait notre maximum pour imposer la distanciation, les enfants ne sont pas des robots, ce ne sera jamais stérile. Si j’en trouve deux qui jouent ensemble ou se font des câlins, je ne vais pas les punir…» Approche dédramatisante, loin de la proposition anxiogène du Premier ministre, Benyamin Nétanyahou, qui a suggéré d’équiper les enfants de capteurs micropuces qui «biperaient» lorsqu’ils s’approchent trop les uns des autres, à l’instar des radars de recul sur les voitures.
«Arrêtons de stresser»
La capacité des enfants à respecter les gestes barrières, ainsi que leur résistance au virus et rôle dans la contagion, restent des énigmes pour la science, encore contradictoire sur ces questions. Si l’Allemagne a préféré miser sur les ados, censément plus disciplinés, on estime en Israël que les risques d’infection sous l’âge de 9 ans sont quasi inexistants. Selon Miri Ribin, la faculté d’adaptation des jeunes enfants est sous-estimée : «En une journée, nos élèves avaient internalisé les limites et le port du masque dehors. Surtout, le retour à l’école ne crée pas d’anxiété, il ramène au contraire de la normalité.»
Pour les profs en revanche, c’est la quadrature du cercle. La directrice, qui a dû doubler le nombre d’enseignants, a promu temporairement éducateurs spécialisés et assistants à la tête de demi-classes. Odelya Avivi, qui d’ordinaire donne des cours d’anglais, jongle entre son groupe physique et ses CM2 confinés sur Zoom. «Ça fonctionne, mais le soir j’ai 40 messages WhatsApp de parents, alors qu’avant il suffisait de glisser un mot devant le portail…» Les vacances d’été ont été décalées de deux semaines, «mais on ne parle plus de programme à l’heure actuelle», assure Miri Ribin, qui refuse d’employer le mot «retard». «Arrêtons de stresser : les enfants sauront lire et compter. Le confinement a apporté de nouveaux savoirs, dans le domaine numérique mais aussi social : la gestion du temps, l’autonomie…» Optimiste, la directrice pense déjà à l’organisation du spectacle de fin d’année.