Trois pays de la péninsule Arabique ont pris contact avec l’État hébreu au sujet de la gestion de la crise sanitaire : le rapprochement se précise.
Trois pays du Golfe ont sollicité Israël au cours des dernières semaines pour obtenir des informations et de l’aide dans la lutte contre la pandémie de Covid-19. La nouvelle, rapportée dimanche par le Jerusalem Post, indique que Bahreïn et un autre pays de la péninsule Arabique non cité ont pris contact avec le centre médical Sheba à Tel Hashomer, quartier de la ville de Ramat Gan, pour s’enquérir de la gestion hospitalière de la pandémie et de l’installation de systèmes de téléconsultations. Concernant le pays non cité, le nom du Koweït circulait ces derniers jours dans la presse israélienne. « Il se passe beaucoup de choses au-dessus et en dessous de la surface », a confié au quotidien israélien le directeur du département international du centre médical Sheba, Yoel Hareven. Les dirigeants du Golfe « croient très fermement au lien avec la médecine israélienne et Israël en général », a-t-il ajouté. Quatre jours plus tôt, l’ambassadrice des Émirats arabes unis aux Nations unies, Lana Nusseibeh, qualifiait de « très excitante » la recherche scientifique israélienne pour un traitement du Covid-19, estimant que son pays « ne serait pas opposé » à une coopération avec l’État hébreu à ce sujet, lors d’un séminaire en ligne organisé jeudi dernier par le Comité juif américain et le média Jewish Insider.
« Toute coopération entre les pays du Golfe et Israël dans la lutte contre le coronavirus serait un autre signe de réchauffement des relations, quoique relativement faible dans le cadre de la politique régionale et assez apolitique », souligne Nick Grinstead, analyste concernant la sécurité régionale à LeBeck International, un think tank basé à Bahreïn, interrogé par L’Orient-Le Jour. « Le fait que deux des trois pays du Golfe ont permis que leurs demandes à Israël soient rendues publiques démontre davantage l’alignement plus large de leurs intérêts, principalement contre l’Iran, qui a eu lieu ces dernières années », fait-il remarquer. « Dans le même temps, le fait que l’un des États du Golfe ait choisi de garder sa demande secrète souligne que ces régimes sont toujours sensibles concernant leurs opinions publiques sur la question israélo-palestinienne et qu’une coopération complète avec Israël sur ces questions doit être prise avec prudence », nuance-t-il.
Des prises de contact entre les pays du Golfe et l’État hébreu ont déjà été rapportées ces derniers mois dans le cadre de la lutte contre le coronavirus. En mars dernier, une livraison de 100 000 tests de dépistage du Covid-19 aurait été coordonnée entre le Mossad, les services de renseignements israéliens et un pays du Golfe qui n’entretient pas de liens avec l’État hébreu, a rapporté la presse israélienne. En pleine course au matériel médical, une partie de l’équipement n’aurait toutefois pas convenu aux besoins israéliens. Le Maroc a également bloqué le départ de ressortissants israéliens en avril après avoir pris connaissance d’un accord entre les EAU et Israël pour les rapatrier à bord d’un avion affrété par les Émirats, sans avoir prévenu au préalable les autorités marocaines.
Réactions modérées
Selon Yoel Hareven, des émissaires du Bahreïn et des EAU seraient régulièrement en contact avec le centre médical Sheba, avant même la pandémie, tandis qu’un membre de la famille royale émiratie aurait visité l’hôpital en mars. L’année dernière, le directeur général du centre médical Sheba, Yitshak Kreiss, s’était également rendu à Bahreïn pour participer au sommet de Manama, visant à dévoiler le volet économique du plan de paix israélo-palestinien porté par le conseiller et gendre du président américain, Jared Kushner. « Le centre médical Sheba, le plus grand établissement hospitalier en son genre, a servi de “pont vers la paix” pour les pays de la région du Moyen-Orient, dont beaucoup n’ont pas de relations diplomatiques avec Israël », avait-il déclaré.
Les récents contacts entre les pays de la péninsule Arabique dans le cadre de la lutte contre le coronavirus interviennent dans la foulée des tollés provoqués par les séries Makhraj 7 et Oum Haroun diffusées pendant le mois de ramadan sur MBC, dans lesquelles sont abordées la présence des juifs dans le Golfe et la normalisation des relations avec l’État hébreu. Un signe supplémentaire de la volonté des monarchies du Golfe de se rapprocher d’Israël, s’ajoutant aux nombreuses initiatives de ces dernières années, encouragées par l’administration américaine et les jeunes dirigeants de la région, le prince héritier d’Abou Dhabi, Mohammad ben Zayed, et son homologue saoudien, Mohammad ben Salmane. Symbolique et stratégique à la fois, la tenue d’un sommet à Manama en juin 2019 avait indiqué un signe d’ouverture sans précédent de la part des membres du Conseil de coopération du Golfe, alors qu’une délégation d’affaires israélienne s’y serait rendue.
Les pays de la région avaient également eu des réactions relativement modérées à l’annonce du volet politique du plan de paix israélo-palestinien par le locataire de la Maison-Blanche Donald Trump et le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, en janvier dernier, alors que l’Iran représente la menace principale aux yeux des dirigeants de la région. Le réchauffement des relations est toutefois à nuancer, alors que Riyad a dû intervenir en début d’année pour contredire un décret israélien selon lequel les ressortissants de l’État hébreu étaient autorisés à se rendre en Arabie saoudite. « Je pense que lorsqu’un accord de paix sera conclu entre les Palestiniens et les Israéliens, la question de l’intégration d’Israël dans son environnement régional sera sur la table », avait précisé le chef de la diplomatie saoudienne, le prince Fayçal ben Farhan, au cours d’un entretien sur la chaîne CNN. Conservant la position traditionnelle des pays arabes, les EAU et l’Arabie saoudite ont également rejeté la semaine dernière le nouveau plan israélien d’annexion des colonies de Cisjordanie et de la vallée du Jourdain.