Réalisée par le couple israélien Etgar Keret et Shira Geffen, cette série d’Arte raconte l’histoire un peu loufoque d’un agent immobilier à la dérive qui reçoit en héritage un immeuble tout pourri. L’occasion d’un retour exquis dans le passé pour un Mathieu Amalric au sommet de son art.
Olivier Tronier est un agent immobilier sans domicile fixe, mal divorcé et « papa de merde » comme l’écrit sa fille sur le plâtre de son bras cassé. Quand sa mère décède, il reçoit en héritage un immeuble d’habitation dont il ne connaissait pas l’existence, et particulièrement délabré. On se dit quand même que c’est la fin de ses ennuis, qu’il va le vendre – un marchand de biens pas très recommandable lui en propose 5 millions d’euros -, qu’il va pouvoir se trouver un appartement et reprendre le fil d’une vie normale… L’histoire va prendre un autre tour.
« Si vous recevez un immeuble en héritage, la normalité c’est de gagner de l’argent avec, mais Olivier Tronier a un fond d’âme qui ne correspond pas tout à fait à l’époque », souligne Mathieu Amalric, qui incarne, avec un naturel confondant, cet agent immobilier pas comme les autres. C’est que le créateur de cette série, l’écrivain israélien Etgar Keret, met en avant depuis longtemps un univers décalé, bien à lui, cocktail bien dosé d’insolite, de poésie et d’émotion. Déjà avec sa femme, Shira Geffen, il avait réalisé le film « Les Méduses », caméra d’or à Cannes en 2007.
Au cœur de ce récit rocambolesque, et plein d’action, se trouve un poisson rouge qui parle et qui est capable, comme dans le conte russe « Le Pêcheur et le Petit Poisson doré », d’exaucer les vœux de celui qui l’a sauvé. « J’ai utilisé plusieurs fois cet animal dans mes nouvelles. C’est difficile souvent de savoir ce qu’on souhaite profondément quand on vous le demande, explique Etgar Keret. Et puis le poisson dans son bocal, c’est aussi une métaphore de notre condition humaine. Il voudrait nager dans l’océan mais il est enfermé. » De là en faire une métaphore de notre confinement…
Poisson magique
Grâce à ce poisson magique, Olivier Tronier va en tout cas remonter dans le temps et tisser des liens manquants entre le passé et le présent. Représentation aussi de son propre inconscient, l’immeuble pimpant dans les années 1970, aujourd’hui délabré, devient le socle d’une reconstruction en donnant à son antihéros l’occasion de solder ses dettes, de se réconcilier avec sa mère défunte et de renouer avec sa fille et son père… Un parcours en forme de psychanalyse immobilière en somme.
Entre fantasmes, rêves et réalité, cette fiction en quatre épisodes, produite et diffusée par Arte, nous embarque dans une succession d’événements parfois spectaculaires et souvent improbables, sans jamais lasser. Outre ses dialogues savoureux et une mise en scène rythmée et élégante, le jeu des acteurs y est évidemment pour beaucoup. Aux côtés de Mathieu Amalric, Eddy Mitchell, en père inconséquent mais à l’optimisme rassurant, est juste parfait, Nicole Shirer en locataire a priori indélogeable est ambiguë à souhait, et Sarah Adler qui joue la fille de Tronier particulièrement juste.
Sur Arte.tv dès le 30 avril. Puis sur la chaîne Arte à compter du 7 mai