Air France, qui vient d’obtenir 7 milliards de prêts consentis par l’Etat, et donc avec la garantie du contribuable français, rembourse comptant et en numéraire les billets des vols annulés pendant la crise du coronavirus aux passagers américains et israéliens. En même temps, Air France impose unilatéralement aux passagers français, un bon à valoir exerçable sur douze mois, sans autre alternative.
Le règlement européen 261/2004 est pourtant clair : en cas d’annulation de vol, la compagnie aérienne est tenue de proposer en premier choix au consommateur le remboursement comptant du billet d’avion, dans un délai de sept jours, au prix auquel il a été acheté. Elle peut proposer un avoir à utiliser sur un vol ultérieur mais ne peut pas l’imposer comme le seul choix unique.
Pourquoi Air France se permet-elle de maltraiter ses clients français ? En Israël et aux Etats-unis, les pouvoirs publics ont rapidement rappelé à l’ordre les compagnies aériennes contrevenantes. Début avril, le Conseil des consommateurs d’Israël (ICC), organisme rattaché au ministère israélien de l’Industrie et du Commerce, a mis en demeure huit compagnies aériennes à rembourser les vols non-effectués, sous peine d’une action collective au nom des passagers impactés. Quatre compagnies -dont Air France- se sont immédiatement exécutées (*).
Air France rembourse donc ses clients américains et israéliens, mais pas ses clients français, ni ses agences de voyages distributrices, en toute illégalité en regard du règlement européen 261/2004. Comment est-ce possible ? D’emblée, les pouvoirs publics français ont réagi en faveur d’Air France, au détriment du droit des consommateurs français. Le secrétaire d’Etat aux Transports, Jean-Baptiste Djebbari, un ancien pilote de ligne proche du secteur aérien, a essayé de convaincre, sans succès, la Commission européenne d’assouplir le règlement 261/2004 afin qu’Air France puisse conserver légalement l’argent des billets des vols annulés. L’association UFC-Que Choisir a mis en demeure 57 compagnies aériennes qui ne remboursent pas, mais aucune procédure juridique n’est engagée à ce jour.
De l’aveu même de l’Association internationale du transport aérien (IATA), le montant total des billets des vols annulés représente quelque 35 milliards de dollars (10 milliards en Europe et 10 milliards en Amérique du nord). Un pactole que les compagnies aériennes tiennent à conserver pendant l’arrêt de leurs activités en raison de la pandémie du coronavirus. « Nous sommes dans une situation tellement grave que si nous sommes obligés de rembourser l’ensemble des billets vendus maintenant, ça tuera les compagnies aériennes », a justifié Alexandre de Juniac, président de l’IATA et ancien PDG d’Air France-KLM.
Pourtant, des compagnies aériennes remboursent leurs clients sans tomber en faillite. Selon une étude de Bank of America publiée début avril, la recette des billets des vols annulés représente 75% de la trésorerie disponible du groupe IAG (British Airways-Iberia), 55% de celle du groupe Air France-KLM, et 95% ce celle du groupe Lufthansa. L’argent est donc disponible dans les caisses pour rembourser. D’ailleurs, British Airways rembourse en numéraire tous les billets des vols annulés (il faut toutefois demander au téléphone). Le groupe Lufthansa rembourse, à ce jour, les agences de voyages, et s’est engagé à rembourser les particuliers une fois qu’il aura obtenir les aides publiques demandées (10 milliards d’euros). Air France, qui a déjà obtenu 7 milliards de prêts consentis par l’Etat français, ne rembourse aucun passager français.
(*) Air France, KLM, Iberia et TAP, ont accepté de rembourser ; United Airlines, Ukraine Airlines, Aegean Airlines et Vueling, qui ont refusé, font l’objet d’une action collective intentée par le Conseil des consommateurs d’Israël devant un Tribunal de district de Tel Aviv.