Depuis son premier succès avec « Aline » en pleine vague yéyé aux « Mots bleus » dix ans plus tard, le chanteur-musicien a traversé les époques. Son dernier album, « Les Vestiges du Chaos », était sorti en 2016.
Il avait remporté une Victoire de la musique en 2003, avait été fait chevalier de la Légion d’honneur en 2014… et surtout réalisé en près de soixante ans un parcours si singulier dans la chanson française, parti comme tant d’autres « babyboomers » de la vague yéyé et d’un titre à succès, Aline, pour devenir le chanteur-musicien, libre et avant-gardiste que nous connaissons. Daniel Bevilacqua, connu sous le nom de Christophe, est mort jeudi 16 avril à l’âge de 74 ans d’une insuffisance respiratoire pour laquelle il était hospitalisé depuis plusieurs jours.
« Aline », un premier succès à 20 ans
Daniel Bevilacqua naît le 13 octobre 1945 à Juvisy-sur-Orge (Essonne) où son arrière-grand-père, un émigré italien, s’était installé. Tôt, Daniel s’intéresse à la musique. Ses premières idoles : Edith Piaf et Gilbert Bécaud. Plus tard, il découvre le blues et se fascine pour l' »American Way of Life » qu’il découvre au cinéma. Le jeune « baby boomer » se tourne ensuite vers le rock, inspiré par le « King » Elvis Presley, puis apprend la guitare et l’harmonica.
A l’âge de seize ans, Daniel fonde son premier groupe, « Danny Baby et les Hooligans ». Deux ans plus tard, après son service militaire, il tente une carrière solo sous le nom de Christophe, en 1963. Elle portera ses fruits en 1965 avec une ballade, Aline, qui lui offre le succès attendu en France où il est numéro un des charts. La reconnaissance est aussi internationale : en tête des ventes également en Espagne, en Israël, en Belgique, en Turquie et au Brésil, le titre s’écoule à plus d’un million d’exemplaires. A cette époque, Christophe compose d’autres succès comme Les Marionnettes, J’ai entendu la mer ou Excusez-moi Monsieur le professeur.
En 1966, le photographe Jean-Marie Périer l’immortalise aux côtés de 45 autres stars françaises du « yéyé » sur la « photo du siècle », publiée dans le magazine Salut les Copains, à l’occasion des quatre ans de sa parution. Christophe apparaît alors entouré de Johnny Hallyday, Sylvie Vartan, Hugues Aufray, Eddy Mitchell, France Gall ou encore Serge Gainsbourg…
La consécration dans les années 1970
Affublé d’une moustache et d’une longue chevelure blonde, Christophe peaufine son image de « latin lover » et de dandy de la chanson française à partir des années 1970. C’est à cette époque qu’il rencontre Véronique, son épouse, qui lui donnera une fille, Lucie.
Christophe occupe les classements avec Mes Passagères, Main dans la main ou encore Belle et Rock Monsieur. C’est avec Jean-Michel Jarre qu’il écrit l’album Les Paradis Perdus puis, en 1974, Les Mots bleus, qui lui permet de renouveler son public.
En 1976, il collabore avec Boris Bergman pour l’album Samourai dans lequel il dédie une chanson à John Lennon, Merci John. Son album Le Beau Bizarre (1978), co-écrit avec Bob Decout, est classé par le quotidien Libération parmi les cent meilleurs albums de l’histoire du rock’n’roll. Son troisième plus gros succès, après Aline et Les Mots bleus, est également une ballade : la chanson Succès Fou s’écoulera à 600 000 exemplaires.
Par la suite, il se fait moins présent sur scène mais collabore à de nombreux projets, notamment à la composition de la musique du premier tube de Corynne Charby, Boule de flipper.
Un artiste en phase avec son époque
Tout au long d’une carrière de plus de cinquante ans, Christophe n’a de cesse de se renouveler, sans jamais délaisser ses engagements personnels. Il se réinvente, comme en 1996 avec la sortie de son album Bevilacqua qui, malgré un succès relatif, surprend par sa modernité, résultat de longs mois passés en studio à le parfaire. Cinq ans plus tard, il dévoile l’avant-gardiste Comme si la terre penchait et annonce son retour sur scène avec une série de concerts à l’Olympia, immortalisés en DVD.
En 2008, Christophe sort Aimer ce que nous sommes, une œuvre à laquelle collaborent des artistes comme Isabelle Adjani, Daniel Filipacchi, Florian Zeller, Murcof, Jac Berrocal, Carmine Appice et son ancien producteur Francis Dreyfus. Après un concert spectacle en 2009 dans le parc du château de Versailles, il reprend la tournée de Aimer ce que nous sommes. Elle le mène le 18 juin 2011 dans sa ville natale, Juvisy-sur-Orge, devant près de trois mille personnes.
Participation à un album de reprises d’Alain Bashung, à un concert de Julien Doré, à une chanson, Boby, avec Loane ou à quelques projets cinématographiques, collaboration avec Jean-Michel Jarre… Si Christophe se sera parfois fait discret, il n’aura jamais délaissé la scène, consacrant tout son temps, toute son énergie à insuffler modernité et inventivité dans ses productions les plus récentes.
« Dans ma tête, je ne suis pas un chanteur ; j’ai fait de la peinture, de la sculpture… Pour moi, je fais de la peinture sonore. Souvent les gens de ma génération disent que la musique, c’était mieux avant. Je ne suis pas d’accord. Je m’éclate avec la technologie qu’on a maintenant. » a déclaré dans « Vanity Fair »
Son dernier album, Les Vestiges du Chaos, sort en 2016 et reçoit des critiques enthousiastes. « Je suis aujourd’hui à l’opposé dans ma façon de créer ; avant je mettais une intro, construisais une chanson de façon assez classique. Aujourd’hui, ce n’est plus possible. (…) Je ne fais pas d’albums par obligation, mais parce que j’en ai envie« , confiait-il au magazine Vanity Fair à propos de sa relation à la création.
Christophe s’est éteint le 16 avril 2020. Mais l’artiste et ses plus de 200 chansons resteront à jamais.