Élevée au rang de Juste parmi les nations en 1989 pour ses actes héroïques entre 1943 et 1945, Pierrette Jurvillier s’est éteinte, dimanche 5 avril, à Bessais-le-Fromental, village du sud du Cher où elle résidait depuis 1965. Elle aurait eu 95 ans en juin prochain.
Bessais-le-Fromental vient de perdre « une grande dame », dixit son maire, Serge Audonnet. Reconnue Juste parmi les nations en 1989, pour avoir caché et sauvé des réfugiés juifs entre 1943 et 1945, sous l’Occupation allemande, Pierrette Jurvillier s’est éteinte à son domicile, ce dimanche 5 avril, à l’âge de 94 ans. Une mort « sans lien avec l’épidémie de coronavirus », précise l’élu : « Elle est morte de sa belle mort ».
Mère de quatre enfants, Pierrette Jurvillier avait rejoint ce petit village du sud du département en 1965 avec son mari, Roger, décédé en 1991. Un square, pas très loin de leur maison, porte d’ailleurs leur nom depuis 2014.
Des juifs cachés et sauvés entre 1943 et 1945
Née le 13 juin 1925 près de Tours (Indre-et-Loire), Pierrette Jurvillier a épousé Roger, un résistant rencontré quelque temps plus tôt à Montluçon (Allier), en avril 1944 à Taxat-Senat, autre commune de l’Allier où ce couple de paysans s’est donc distingué dans les années 1940 en protégeant des juifs recherchés par les militaires allemands à une période où une partie de la France était occupée par l’Allemagne nazie.
« Pour Pierrette, ces actes extraordinaires n’en étaient pas, elle disait que c’était normal », raconte l’édile de Bessais-le-Fromental. Des propos confirmés par l’héroïne en personne, le 5 mai 2010, lors de l’inauguration de l’esplanade des Justes à Saint-Amand-Montrond.
« Lorsque la famille Wolf, aux abois, ne sachant où aller, s’est présentée à la ferme, Roger d’abord, dès 1941, puis moi, à compter de 1943, nous avons décidé, tout simplement, de mettre en pratique notre philosophie de vie, avait-elle témoigné dans son discours. Nous n’avons rien fait d’extraordinaire : il nous a semblé normal d’accueillir un jeune couple et leurs bébés essayant d’échapper à la mort qui menaçait à nouveau la famille (les parents et la grand-mère de Robert Wolf avaient déjà été raflés et déportés en 1943, NDLR). Comment penser et agir autrement ? Robert et Roger n’étaient pas des étrangers l’un pour l’autre (ils s’étaient connus sous l’uniforme du même régiment, NDLR) et il était impensable, pour nous, d’abandonner cette famille dans la tourmente. »
« Avec des caches successives pour les uns, pour les autres, les ravitaillements à travers les vignes, nous avons pu aider, protéger, soutenir tous les proscrits qui se trouvaient sur notre route », avait-elle ajouté.
Dans un entretien accordé au Berry républicain en 2010, Pierrette Jurvillier avait commenté sa médaille de Justes parmi les nations reçue quelques années auparavant, en même temps que son époux : « Avec mon mari, on n’a jamais rien demandé. Les Justes disent bien qu’ils ne l’ont pas fait par intérêt. À Taxat-Senat, on est peut-être la seule famille qui cachait des Juifs. Ça s’est trouvé comme ça, c’est tout ».
Ses obsèques se tiendront ce jeudi 9 avril, en petit comité en raison des mesures de sécurité sanitaire actuelle, à Bessais-le-Fromental.
Guillaume Blanc