Partout dans le monde, les fondamentalistes s’opposent aux mesures de confinement. Et compliquent la tâche des autorités de santé.
Il y a de la diablerie dans le coronavirus. C’est une évidence, du moins pour les fondamentalistes religieux sous tous les cieux. Des Etats-Unis au Pakistan, du Sri Lanka à Israël en passant par l’Inde et le Brésil – la liste est loin d’être exhaustive – les mesures de confinement pour lutter contre le virus Covid-19 se heurtent souvent à l’intransigeance (ou l’incompréhension) de certains responsables chrétiens, musulmans, juifs, bouddhistes etc.
Vade retro coronavirus! Le brésilien Edir Macedo Bezerra, fondateur de l’Eglise universelle du royaume de Dieu, une puissante organisation évangéliste, attribue la pandémie à une alliance entre « Satan, les médias et les intérêts économiques ». Son collègue Silas Malafaia, leader de l’Association de Dieu Victoire dans le Christ – évangéliste lui aussi et grand ami du président Jair Bolsonaro – a déclaré lors d’un de ses sermons devant une foule de fidèles à Rio : « Nous croyons au pouvoir de la prière. C’est notre arme ». En attendant il avait équipé son temple d’une machine supposée purifier l’air du coronavirus… Pas question pour ces leaders évangélistes de fermer leurs lieux de culte. Soutenus par le président Bolsonaro, ils se heurtent néanmoins de plus en plus dans ce pays fédéral aux gouverneurs des Etats.
Eglises et synagogues, activités essentielles en Floride
En Floride, le pasteur Rodney Howard-Browne, grand supporter de Donald Trump, a été brièvement arrêté il y a une semaine car il refusait également de fermer les portes aux fidèles de sa mega-église. Le gouverneur républicain de la Floride, Ron Desantis, a volé à son secours en incluant les églises et synagogues parmi les « activités essentielles » pouvant rester ouvertes durant l’épidémie…
« Certains leaders évangélistes, particulièrement les Pentecôtistes et les néocharismatiques, prétendent que le coronavirus est un jugement de Dieu contre l’immoralité, le mariage homosexuel ou l’avortement. D’autres affirment que c’est le diable qui envoie la pandémie pour contrecarrer les plans de Dieu », explique l’universitaire canadien André Gagné. Pour ce spécialiste des fondamentalistes religieux en Amérique du Nord, « les églises du courant évangélique et pentecôtiste fonctionnent comme des entreprises qui ont besoin de poursuivre leur activité pour assurer leurs ressources. Mais elles s’appuient aussi sur une idéologie, basée sur une interprétation erronée de la Bible, selon laquelle les croyants sont protégés par Dieu. »
Aux Etats-Unis, une douzaine d’Etat dirigés par des conservateurs autorisent encore les rassemblements religieux. Selon la chaîne CNBC, il y aurait parmi eux au moins 11 des 15 Etats comptant le plus fort taux de personnes à risques (NDLR : plus de 65 ans ou ayant des problèmes médicaux). En particulier la Floride où les retraités sont nombreux.
100 000 fidèles rassemblés au Pakistan
Même résistance au confinement en Inde de la part de certains bouddhistes. Parmi eux, les fondamentalistes d’All India Hindu Mahasabha pensent avoir trouvé le remède miracle. « Toute personne qui boit de l’urine de vache (NDLR : animal sacré pour les Indiens) sera soignée et protégée », affirme un de ses dévots. Leur leader, Chakrapani Maharaj, a offert un verre d’urine à une représentation démoniaque du virus afin de l’« apaiser »… A Colombo, au Sri Lanka, un temple bouddhiste a testé une autre méthode en faisant asperger la ville d’eau bénite depuis des hélicoptères. On ne connaît pas encore les résultats.
Les autorités des pays musulmans essayent également d’imposer des mesures de protection. Mais le Pakistan n’a pu empêcher récemment près de Lahore un grand rassemblement de 100 000 fidèles (NDLR : venus de 70 pays) du mouvement tablighi. Le virus s’est évidemment répandu comme une traînée de poudre et les policiers tentent désormais de retrouver les pèlerins contaminés… Furieux, le ministre de la Santé pakistanais a dénoncé « l’entêtement du clergé » notamment tablighi.
A l’inverse le président sénégalais Macky Sall et le roi Mohamed VI du Maroc ont su convaincre en amont les responsables des puissantes confréries musulmanes de leurs pays de la nécessité de fermer provisoirement les mosquées. La gendarmerie a quand même été dépêchée à Touba, la ville sainte des Mourides, pour dissuader les fidèles de venir en pèlerinage. Mais le message a fini par passer. « Allah est dans toutes nos maisons », a même expliqué un imam pour justifier la prière à domicile.
Très en pointe dans la lutte contre la pandémie, le ministre de la Santé sénégalais, Abdulaye Diouf Sarr n’avait pas hésité, il y a un mois, à menacer de traîner en justice les prédicateurs qui se hasardaient alors à inciter les fidèles à venir coûte que coûte prier à la mosquée pour se protéger du virus présenté comme « un châtiment de Dieu ». La menace s’est avérée efficace.
Par Philippe Martinat