Delphine Horvilleur, rabbin et philosophe, est l’invité de Léa Salamé à 7h50. Elle évoque le contexte particulier dans lequel les grandes célébrations religieuses vont se dérouler au mois d’avril.
La Pâque juive, la fête chrétienne de Pâques et le ramadan : en ce mois d’avril, les trois grandes religions monothéistes ont une célébration majeure. « C’est un défi pour les personnes qui souhaitent pratiquer et vivre ces fêtes, qui sont un moment de relations intergénérationnelles« , reconnaît Delphine Horvilleur, rabbin et philosophe, qui explique avoir mis en place des « célébrations virtuelles » dans sa synagogue.
« Toutes ces fêtes racontent quelque chose de très pertinent pour ce qu’on traverse aujourd’hui : ce sont toujours des histoires de mise en route, de quitter un monde ancien pour se mettre en chemin vers un monde nouveau« , explique-t-elle, rappelant que dans l’histoire de la Pâque juive il est question d’un « ange de la mort » qui rôde « et oblige les Hébreux à s’enfermer chez eux pour se protéger« .
Aujourd’hui, les religieux font preuve d’une forme de « créativité » pour accompagner les disparus, dit-elle, faute de pouvoir organiser des cérémonies comme en temps normal. « J’accompagne les gens, parfois, par écrans interposés. Il y a parfois des réunions internationales de deuil qui s’organisent dans des familles », explique-t-elle. « Le deuil, c’est le moment où l’individu rejoint le collectif : on a particulièrement besoin du collectif dans ces moments-là, de se sentir relié à une famille, un langage, une société. Il y a des gens qui choisissent de décaler le deuil. Il faut trouver le moyen dès aujourd’hui de raconter l’histoire des gens qui sont morts, qui ils sont, quelle a été leur vie« .
Pour accompagner les personnes âgées isolées, qui vivement mal le confinement notamment dans les Ehpad, « il faut trouver le moyen d’être quand même là (…). Aujourd’hui il y a quelque chose dont on prive les aînés et dont on prive la nouvelle génération« , dit-elle, soulignant le rôle essentiel du personnel encadrant.
Sur la question des couples, Delphine Horvilleur reconnaît que « le huis clos qu’on vit familialement exacerbe des problèmes qui existaient dans des couples avant ça. Par exemple sur la répartition des tâches ménagères, de la communication« . Elle met l’accent sur le fait qu’outre les situations amusantes que l’on peut lire sur les réseaux sociaux, « il y a aussi des situations dramatiques« , et tient à souligner l’augmentation des violences conjugales.
En cette période de crise, les femmes sont-elles absentes des instances de direction, de ceux qui prennent la parole ? « La question de l’expertise féminine n’est pas nouvelle« , rappelle Delphine Horvilleur, qui pointe du doigt « une difficulté à s’en remettre à l’expertise féminine« , et parfois même une responsabilité des femmes, victimes d’un « syndrome d’imposture, où elles estiment qu’elles ne sont pas pertinentes pour parler de quelque chose« .
« Dans le débat actuel, l’invisibilité des femmes vient raconter une histoire plus globale d’invisibilité : qui est visible, qui ne l’est pas ? Est-ce qu’il n’est pas temps de mettre en lumière des gens qui n’ont pas l’habitude de l’être, traditionnellement – et qui aujourd’hui nous font vivre, nous permettent de penser demain ?« , conclut-elle.