Quelques heures avant l’interdiction de tout rassemblement à New York, ils étaient une poignée, les uns loin des autres, pour célébrer un étonnant mariage en plein air, dans le quartier juif orthodoxe de Brooklyn.
Dans cette rue de Crown Heights, un couple, sous un dais de mariage juif, a dû prendre quelques libertés avec les traditions pour s’unir, malgré tout. « Ça a été une semaine folle », explique le marié, JJ Deitch, qui tient son épouse Fraida par la main. « Rien ne s’est passé comme normalement avant un mariage, mais ça a donné de l’énergie à la communauté. »
Après la cérémonie, le couple a embarqué dans une décapotable et remonté la rue, suivi par une file de véhicules dans lesquels se trouvaient les invités, certains portant des masques. Klaxons et vivas s’échappaient des voitures, sous le regard séduit d’habitants du quartier, qui pouvaient saluer le cortège de leur perron ou de la fenêtre de leur appartement.
« Nous avons donné à tout le monde une raison de se réjouir, et c’était fantastique », s’est félicité le marié. « On dirait que ça a vraiment été un beau moment pour beaucoup de monde. » Bien qu’ayant choisi de maintenir le mariage, le couple et leurs familles souhaitaient respecter, autant que possible, les consignes données par les autoritées en matière de distanciation sociale.
De 500 il y a une semaine, la limite des rassemblements est passée à 50, avant que le gouverneur de l’Etat de New York, Andrew Cuomo, n’annonce vendredi que tout regroupement serait interdit à compter de dimanche.
Il y a encore quelques jours, Crown Heights, où se trouve le siège mondial de la communauté juive orthodoxe Habad Loubavitch, célébrait la fête juive de Pourim, durant laquelle les enfants se promènent costumés. Mais depuis, synagogues et écoles ont fermé, à l’appel des rabbins, qui ont voulu éviter des « bétises », selon Baila Kievman, tante du marié, dans une ville où le coronavirus s’est répandu comme une trainée de poudre.
En deux jours, entre mercredi et vendredi, le nombre de cas dans la métropole américaine est passé de 2.009 à 5.683, avec un bilan de 43 morts. « Même si c’est un défi, nous savons que c’est maintenant une question de vie ou de mort », reconnait Baila Kievman, en manteau de fourrure et gants de protection.
« Nous allons apprécier bien davantage les choses qu’avant le coronavirus », dit-elle, admettant avoir versé une larme malgré les circonstances atypiques. « C’est formidable de réussir à inclure tout un quartier en respectant la distanciation sociale », s’enthousiasme Baila Kievman. « C’est sans précédent. »
« Le bon équilibre »
Mercredi, les autorités sanitaires de la ville de New York se sont inquiétées publiquement de la propagation accélérée du virus au sein des communautés hassidiques. Mardi, les pompiers ont interrompu un mariage à Williamsburg, l’un des trois quartiers à forte présence hassidique avec Crown Heights et Borough Park, alarmés par la présence de plus de 200 invités.
En 2018, une crise sanitaire s’était déclenchée dans certaines communautés hassidiques de Brooklyn, avec l’apparition de cas de rougeole. La maladie s’était répandue car plusieurs familles avaient refusé de faire vacciner leurs enfants.
« Ca a pris un peu de temps pour la communauté juive de réaliser qu’il fallait respecter les règles » en matière de santé publique et de prévention du coronavirus, observe Baila Kievman. « Mais je pense que maintenant, tout le monde comprend que c’est sérieux. »
Autre membre de la famille du couple, Zalman Friedman, explique que ces mariages orthodoxes rassemblent ordinairement entre 200 et 500 personnes, mais que les mariés ont préféré « une célébration dans des conditions plus protectrices ». « Nous ne voulons pas attraper le virus », dit-il, « et nous ne voulons pas le propager. »
« Tout le monde doit respecter les limites fixées par le gouvernement, mais les célébrations doivent se poursuivre », a-t-il estimé. « Il faut trouver le bon équilibre. » « Trouver un moyen de continuer à vivre et de garder raison dans cette époque folle. »