Dans « le Père de Gabriel », Pascal Bacqué raconte comment l’enseignement de Benny Lévy l’a encouragé à devenir Gabriel ben Abraham.
Dans la petite église de Dettey, village qui domine la campagne bourguignonne, une messe de Mozart accompagne, le 17 septembre 2018, l’ultime périple d’un officier catholique de la vieille France. Fils de général, passé de la cavalerie saumuroise à l’aviation légère de l’armée de terre, Jean Bacqué avait 88 ans, cinq enfants, des traits « nobles » et une lecture quotidienne, celle du « Figaro », prière du matin. L’un de ses fils, Pascal Bacqué, prononce l’oraison funèbre. Il vouvoie son « cher Daddy », dont il exalte la droiture, la bonté et la foi.
En fait, Pascal n’est plus Pascal. Il s’appelle Gabriel ben Abraham. Baptisé dans la religion catholique, il s’est en effet converti au judaïsme. En même temps que, sous la Croix, il souhaite à son père « un bon voyage dans la lumière », le fils du colonel se remémore, à l’époque où il suivait ses cours à Jussieu, l’avertissement de Benny Lévy : « Il y a quelque chose que tu dois savoir. Quelque chose qui est de nature à faire renoncer. Si tu deviens juif, ton père et ta mère ne seront plus ton père et ta mère. Encaisse le coup et médite-le. »
Pascal n’a pas renoncé à devenir Gabriel. Mais il a commencé à étudier le Talmud. Dans « le Père de Gabriel » (Massot / Sophie Wiesenfeld éditions, 18,90 euros), l’écrivain de 50 ans éclaire son singulier parcours à l’occasion de cette disparition qui lui rappelle d’où il vient, de qui il tient. Très tôt, Pascal Bacqué a pris la tangente. Non seulement, il n’a pas prolongé l’héritage militaire de sa famille, mais il a aussi choisi de sortir du rang. Il abandonne la khâgne du lycée Henri-IV pour se consacrer à l’écriture.
A 20 ans, il montre ses textes à son père, qui avoue ne rien y comprendre, et les envoie à Julien Gracq, le généralissime de l’armée littéraire des ombres, qui lui répond : « J’ai l’impression étrange que vous traduisez votre poésie d’une langue étrangère. » L’un de ses oncles lui assène : « Tu es d’un marginalisme écrasant de solitude. » Pascal Bacqué s’obstine. Il dit que sa langue ne peut « se raviver qu’en séjournant ailleurs ». Il se prépare intérieurement à la conversion. Descendu de « la montagne du christianisme », il frappe à « la porte d’une maison obscure où brille une lumière secrète ». Sa rencontre avec Benny Lévy sera décisive.
Ensuite, il a épousé la religion juive et puis Sarah, qui lui a donné huit enfants. Aujourd’hui, il porte la kippa et le deuil de son père, qu’il appelle « mon frère humain », dans un livre psalmodiant aux accents de kaddish.