Emmanuel Macron a pris lundi des mesures inédites de restriction des déplacements pour lutter contre la pandémie du coronavirus. Elles ont de fortes conséquences pour notre quotidien.
Le Président Emmanuel Macron a annoncé ce lundi soir des déplacements fortement réduits dès mardi midi pour 15 jours au moins. Voici les réponses à 20 questions que l’on se pose.
Va-t-il y avoir un couvre-feu ?
Non. Emmanuel Macron a annoncé « des déplacements fortement réduits ». Il s’agit, comme en Espagne et en Italie, des sorties liées au strict nécessaire : courses, pharmacie, et travail pour ceux qui ne peuvent pas télétravailler. Aucune limite horaire n’est fixée, ces règles sont donc valables 24 heures sur 24, 7 jours sur 7 comme en Italie.
Y a-t-il des professions exemptées ?
Seulement celles qui ne pourront pas appliquer le télétravail et certaines considérées comme prioritaires : personnel de santé, force de l’ordre, salariés de l’alimentation, et salariés de la télécommunication.
Est-il autorisé de partir loin de sa ville ?
On peut se déplacer librement – même si cela est fortement déconseillé – jusqu’à ce mardi à midi. Si on doit le faire, le mieux est d’opter pour son véhicule personnel plutôt que les transports en commun, le train ou l’autocar. Cette liberté est par contre sévèrement réduite dès le déclenchement de la phase de confinement total. Seuls les trajets « nécessaires » sont autorisés à partir de ce mardi à la mi-journée dans l’Hexagone et dans les territoires d’outre-mer : pour des soins, pour aller faire des courses ou encore pour se rendre au travail pour les personnels médicaux ou, par exemple, les personnes travaillant dans la distribution alimentaire ou encore pour les parents divorcés afin de permettre d’aller chercher ou déposer ses enfants…
Y aura-t-il des sanctions ?
Oui. Toute infraction « aux règles de déplacements réduits » sera sanctionnée, a promis Emmanuel Macron. Il faudra notamment pouvoir justifier qu’on est autorisé à se déplacer en présentant lors de toute sortie une attestation sur l’honneur. Des modèles sont téléchargeables sur le site du gouvernement depuis cette nuit.
Qui contrôlera ?
Plus de 100 000 policiers et gendarmes mèneront des contrôles dès aujourd’hui et pourront distribuer des amendes de 38 € dans un premier temps, puis 135 €.
Mon employeur peut-il m’obliger à venir sur mon lieu de travail ?
Non, et si le télétravail n’est pas possible, les salariés ont automatiquement le droit, s’ils ont un enfant de moins de 16 ans, de se mettre en arrêt maladie pour 20 jours. La question est plus délicate pour les entreprises qui continuent leurs activités même en cas de confinement total comme celles de la distribution de produits alimentaire.
« D’un côté, ces employeurs ont un devoir de continuation de leur activité, tout en garantissant à leurs salariés d’exercer leur métier en toute sécurité et sans danger pour leur santé, explique Virginie Lenglet, avocate au barreau de Paris spécialisée en droit du travail. Si un salarié estime qu’aller sur son lieu de travail comporte un danger réel et imminent, il peut refuser de s’y rendre. Attention toutefois à ne pas abuser de ce droit de retrait qui est parfois trop rapidement mis en avant. »
Combien de fois par jour puis-je sortir pour aller faire des courses ?
Il est possible de faire ses courses autant de fois que nécessaire mais le mieux est de le faire le moins possible. C’est une simple question de risque sanitaire. « Il sera pour les mêmes raisons préférable de marcher 200 m de plus pour aller dans un supermarché ou une épicerie où il y aura moins de monde afin d’éviter au maximum, pour soi-même et pour les autres, les moments d’exposition potentielle au virus », conseille le docteur Pierre Squara, médecin-réanimateur de la clinique Ambroise-Paré de Neuilly-sur-Seine (Hauts-de-Seine).
Limiter les allers et venues dans les commerces alimentaires est également une question de bon sens : les très longues files d’attente observées devant les supermarchés (plus de deux heures d’attente ce lundi après-midi pour pouvoir pénétrer au supermarché E.Leclerc du centre commercial So Ouest à Levallois-Perret) sont autant d’occasions de transmission du virus, surtout si les distances de sécurité d’un mètre ne sont pas respectées.
Peut-on continuer de s’aérer dans les parcs ?
« Se promener, retrouver ses amis dans un parc ou dans la rue ne sera plus possible », a annoncé le président. Fini donc les pique-niques au parc quand il fait beau comme on a vu des centaines de Parisiens le faire dimanche. Les images montrant nombre d’entre eux massés dans des parcs ou le long des quais pour y prendre le soleil alors que la France venait de passer au stade 3 de la lutte contre l’épidémie ont marqué jusqu’au sommet de l’Etat. D’ailleurs, les parcs et jardins de la Ville de Paris sont fermés à partir d’aujourd’hui pour une durée indéterminée. On pourra encore continuer à promener son chien oui, mais se retrouver en groupe non, a résumé le ministre de l’Intérieur Christophe Castaner.
Le sport en plein air est-il interdit ?
Sur ce point, Emmanuel Macron semble adopter un peu plus de souplesse en parlant de la possibilité de « faire un peu d’activité physique » à l’extérieur. Mais les médecins que nous avons interrogés appellent joggeurs et cyclistes, entre autres, à la « responsabilité. » « Si on fait du vélo seul et pas à cinquante et que l’on court seul et pas en groupe, on respecte certes le principe de distanciation sociale mais on ne montre pas l’exemple en ne respectant pas le message de confinement », souligne le docteur Pierre Squara, cardiologue réanimateur à la clinique Ambroise-Paré de Neuilly-sur-Seine (Hauts-de-Seine).
Peut-on faire le plein d’essence ?
Les stations-service restent a priori ouvertes, ne serait-ce que pour alimenter en carburant les camions de livraison des grandes surfaces, permettre au personnel soignant de se déplacer, aux policiers, pompiers, gendarmes de se rendre sur leur lieu de travail. « On ne peut pas demander aux salariés qui ne peuvent pas faire de télétravail de se rendre sur leur lieu professionnel sans qu’ils puissent mettre de l’essence dans leur voiture », estime Sébastien Gallien, infectiologue à Henri-Mondor, à Créteil (Val-de-Marne).
« S’ils fermaient les stations, je ne pourrais plus utiliser ma voiture et me rendre à l’hôpital, confie le docteur Yann Spivac, gériatre dans le Val-de-Marne. Et puis, il faut bien que la population puisse utiliser sa voiture aussi pour aller faire ses courses ou se rendre chez son médecin, notamment dans les zones périurbaines où il y a moins de transports en commun. » « Tant pis pour la pollution mais c’est tout de même mieux de se déplacer en voiture pour aller au travail que de prendre le train où l’on s’expose à davantage de contacts », souligne le docteur Pierre Squara.
Si je suis malade, puis-je me rendre à la pharmacie ?
Sur ce point, tous les médecins sont catégoriques : oui, bien sûr il faut que des patients atteints d’autres symptômes que celui du coronavirus puissent obtenir leurs médicaments ou le suivi de leur traitement. « Il ne faudrait pas, sous prétexte de confinement pour cause de Covid-19, se retrouver avec des personnes décédées d’autres maladies, explique le cardiologue Pierre Squara. Si vous êtes malade, le mieux est de téléphoner à votre médecin traitant qui déterminera ce qu’il faut faire. Mais surtout, ne décidez pas seuls de reporter une intervention qui a été planifiée pour vous car certaines opérations, de chirurgie cardiaque par exemple, ne peuvent pas être reportées. Chaque patient doit d’abord en discuter avec son médecin et c’est lui qui décidera. »
Mes parents sont âgés, puis-je les faire venir chez moi ?
Sur ce point, les médecins estiment globalement que la prudence impose de « limiter les déplacements ». « Si votre maman ou votre papa vivent chez vous, vous prenez le risque de lui transmettre le virus, qui plus est si vous avez des enfants, met en garde le gériatre Yann Spivac. Déplacer une personne âgée, si elle est fragile, peut par ailleurs contribuer à lui faire perdre ses repères, ses habitudes, son autonomie. Et au final, ils peuvent se sentir beaucoup moins bien chez vous que chez eux. »
« Tout est une question de bénéfice-risque, admet Sébastien Gallien. En laissant une personne âgée seule chez elle, on contribue à son isolement mais si vous la déplacez, vous lui faites courir un risque car vous l’exposez à davantage de contacts. » « C’est une question à laquelle on ne peut répondre qu’au cas par cas », estime le chirurgien réanimateur Pierre Squara.
Puis-je continuer à aller chez le médecin ?
Oui, en respectant certaines règles. « On ne se précipite pas chez son médecin. On appelle et on signale ses symptômes », rappelle Claude Leicher, médecin généraliste. « Nous sommes dans une logique de séparation des flux entre les patients âgés, malades chroniques, et les patients atteints du Covid-19 : on sépare les personnes à risques des personnes infectées, avec des consultations échelonnées », rappelle-t-il.
Dans son cabinet, une affiche indique aux patients la démarche à suivre. « On essaie alors de ne pas laisser les patients infectés dans la salle d’attente, on leur demande de retourner à leur voiture quand c’est possible ». Si les visites à domicile permettent d’éviter les contacts, et dans certains cas sont nécessaires, « on ne peut pas transformer toutes les visites en visites à domicile, cela prendrait trop de temps ».
Peut-on continuer à se faire livrer ?
Uber Eats, Amazon… Le recours à tous les services de livraison a bondi avec le début de l’épidémie. La peur de côtoyer du monde et la lassitude devant les longues queues en boutiques… Les acteurs de la livraison ont développé la « livraison sans contact ». Des livreurs déposent la commande devant la porte du client, ouvre son sac et recule de quelques pas. Le client prend ensuite son paquet et rentre chez lui.
Peut-on encore aller à la Poste chercher des colis ?
Ce lundi, la Poste a fermé 16 000 de ses 17 000 centres et on pouvait déjà voir de longues files d’attente devant les bureaux ouverts. « Pour les retraits de paquets qui nécessitent une signature sur écran, nous avons prévu un dispositif de validation par SMS », indique l’entreprise. Dans les centres de tri, en revanche, tout continue comme d’habitude : courrier et paquets seront acheminés, explique-t-on au siège. Les facteurs ont pour consigne de continuer leur tournée.
Peut-on aller chez nos voisins de palier ?
Non. On ne passe pas la porte, tout l’objet du confinement est d’éviter le contact. On peut toujours se chanter des sérénades d’un balcon à l’autre comme le font nos voisins italiens. Seule exception, insiste Atanase Périfan, fondateur de l’association Voisins solidaires : « Il faut conserver un seul geste, aider le voisin âgé du 3e à faire ses courses, c’est vital. »
Le kit de l’association pour échanger des contacts et des coups de main en période de Covid-19 a été téléchargé plus de 50 000 fois. Bien sûr, on respecte plus que tout les consignes de précautions : mains lavées, distance respectée, quitte à laisser les paquets sur le palier et à appeler son voisin pour qu’il les récupère. « Dans ce cas, le voisin ne devient plus un danger mais une ressource précieuse ! » insiste Atanase Périfan.
J’ai un rendez-vous chez le dentiste dois-je annuler ?
Depuis le 14 mars, il est recommandé aux chirurgiens-dentistes de limiter leur activité à la prise en charge des urgences essentielles. « Sauf situation urgente, les patients de plus de 70 ans, ou les patients ayant des pathologies chroniques doivent être décommandés en priorité », indique l’Union française pour la santé bucco-dentaire. Pour les problèmes dentaires les moins urgents, il est possible de faire appel à un chirurgien-dentiste en téléconsultation.
Est-ce que les nounous, baby-sitters, hommes et femmes de ménage peuvent venir travailler ?
Chez les professionnels, on attendait ce lundi les directives du président et surtout « une liste des personnels autorisés ou non à se déplacer » ? insistait-on chez O2 le leader du service à domicile. Pas sûr que les nounous et baby-sitters y soient inscrits, alors que les enfants sont considérés comme très contagieux.
En revanche, les auxiliaires de vie restent autorisés à assurer leur mission. On espère aussi un peu de souplesse pour les hommes et femmes qui font le ménage chez des personnes âgées. « Ils sont considérés comme des aides ménagers mais pour beaucoup de leurs clients qui ne sont plus capables de se baisser par exemple, ils sont indispensables », explique-t-on chez O2
Y a-t-il un dispositif pour les SDF ?
Malheureusement non. A la demande des associations d’aide aux sans domicile fixe et aux personnes les plus fragiles socialement, le gouvernement a toutefois accepté de reporter de deux mois la fin de la trêve hivernale tombant normalement chaque année le 31 mars.
« C’est une bonne nouvelle et une très bonne mesure qui permettra d’avoir moins de personnes supplémentaires à la rue, se félicite Florent Gueguen, directeur général de la FNARS (Fédération nationale des acteurs de solidarité). Nous sommes tout de même extrêmement inquiets quant à l’avenir, à court terme, de l’activité assurée par les centres d’hébergement, les accueils de jour ou encore les maraudes. Certaines distributions de repas, assurées notamment par les Restos du Cœur, ont été annulées. De moins en moins de salariés et de bénévoles, eux aussi confinés, peuvent assurer leur mission. On risque de courir à la catastrophe si ces services, qui représentent les seules possibilités d’accès à l’eau pour beaucoup de SDF, sont contraints de s’arrêter. »
Va-t-on payer le stationnement ?
A Paris, non. La Ville a annoncé ce lundi plusieurs mesures destinées à favoriser le travail de « l’ensemble des personnels mobilisés dans la gestion de la crise », comme le stationnement gratuit. « Après la mise en œuvre dès ce matin (lundi) du stationnement résidentiel gratuit, l’ensemble du stationnement dans les rues parisiennes sera rendu gratuit lui aussi. » Pour l’instant, il s’agit de la seule municipalité à avoir pris une telle mesure.
Par Frédéric Mouchon, Aymeric Renou, Aurélie Sipos et Emilie Torgemen