Le 21 février 1970, le vol 330 de Swissair à destination de Tel-Aviv s’écrase peu après son décollage de l’aéroport de Zurich à Würenlingen, dans le canton d’Argovie, tuant les 47 occupants de l’appareil. Personne n’a jamais comparu devant un tribunal pour cet attentat à la bombe, le pire de toute l’histoire suisse.
«330 is crashing», annonce le copilote Armand Etienne à la tour de contrôle. «Goodbye everybody. Goodbye everybody», répète-t-il. Ce sont les derniers mots en provenance de l’appareil. Il est très exactement 13h34, ce 21 février 1970.
Quinze minutes plus tôt, une bombe reliée à un altimètre explosait dans la soute arrière de l’avion, un Convair 990 Coronado de la compagnie nationale Swissair. L’équipage avait bien essayé de faire demi-tour pour tenter un atterrissage d’urgence à Zurich, mais, gêné par la fumée, il n’arrivait plus à lire les instruments de bord et le système de navigation était hors service. L’avion s’écrase finalement dans une forêt près de Würenlingen, non loin de la frontière allemande.
Le sujet diffusé dans l’émission Carrefour-Revue de la RTS le 1er mars 1970:
Arthur Schneider, un politicien local, arrive environ une demi-heure plus tard sur les lieux du drame. «J’ai découvert une main sur le sol de la forêt. Je n’arrive pas à sortir cette image de la tête», déclarait-il en 2016 à la radio publique alémanique SRF.
D’autres témoins ont rapporté avoir vu une «énorme boule de feu» au moment du crash, l’un d’eux craignant que l’avion ne se soit écrasé sur la centrale nucléaire voisine de Beznau. L’épave de l’appareil a finalement été retrouvée à quelques centaines de mètres de la centrale.
Ce vendredi, 50 ans jour pour jour après la catastrophe, un événement commémoratif sera organisé sur le site du crash par Schneider et Ruedi Berlinger, les fils du capitaine de l’avion, Karl Berlinger. Les deux hommes affirment qu’il est important de garder le souvenir de la tragédie vivant, mais aussi d’éclaircir enfin ce qui s’est réellement passé.
Suspect jordanien
Peu après l’attentat, les agences de presse suisses annoncent qu’un groupe dissident de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) a revendiqué l’attaque, alors que d’autres médias indiquent au contraire que l’organisation terroriste nie toute responsabilité. Quelques jours plus tard, un ressortissant jordanien soupçonné d’avoir déposé la bombe à Munich – d’où venait initialement l’avion – dans un paquet expédié à une adresse fictive en Israël, est désigné comme le principal suspect.
Son intention aurait été de faire exploser un avion de la compagnie israélienne EL AL. À la suite d’un changement de vol, la bombe se serait retrouvée dans l’avion de Swissair.
Le ressortissant jordanien, de même que d’autres suspects, n’ont jamais été traduits en justice, malgré des mandats d’arrêt lancés à leur encontre. En 1970, le juge d’instruction suisse Robert Akeret a remis personnellement son rapport de 165 pages au procureur général de la Confédération, Hans Walder. Selon ce rapport, l’attentat à la bombe a été commis par deux membres de l’OLP.
Aucune trace d’un accord secret
Robert Akeret accuse Berne d’avoir jeté une «cape de silence» sur l’affaire. «Le fait que les auteurs n’ont jamais comparu devant un tribunal reste un mystère pour moi», déclare-t-il alors. Les premières enquêtes sur l’attentat ont été closes en 1985, rouvertes dix ans plus tard et finalement abandonnées en 2000.
Le crash de Würenlingen a aussi fait couler beaucoup d’encre en 2016, après la publication du livre «Schweizer Terrorjahre» du journaliste de la NZZ Marcel Gyr. Ce dernier avance que le ministre des Affaires étrangères de l’époque, le socialiste Pierre Graber, aurait passé un accord secret avec l’OLP.
Cet accord aurait eu pour objectif de mettre fin aux attaques palestiniennes ayant visé la Suisse en 1969 et 1970. Ces soupçons n’ont jamais été prouvés. Le groupe de travail nommé par le Conseil fédéral et l’autorité de surveillance du Ministère public de la Confédération (MPC) n’a trouvé aucune trace d’un tel accord.
Deux ans plus tard, un citoyen suisse a demandé la réouverture de l’enquête après que des documents du FBI se furent retrouvés dans les médias, pointant du doigt deux inconnus originaires de l’Allemagne de l’Ouest de l’époque.
En août 2018, le procureur général de la Confédération a toutefois annoncé qu’il ne rouvrirait pas l’enquête, estimant que les preuves n’étaient pas assez solides et que trop de temps s’était écoulé depuis l’attentat.
Nouvelles informations
Les journaux suisses, dont le Blick et la Neue Zürcher Zeitung, ont repris l’affaire ces derniers jours. Selon leurs recherches, les archives américaines ont des «piles de dossiers» sur l’attentat de Würenlingen, mais ces documents sont toujours classifiés. Selon un informateur, l’attentat à la bombe aurait pu être évité s’il n’y avait pas eu un problème de communication.
Les services secrets israéliens du Mossad auraient surveillé la cellule terroriste palestinienne en Allemagne et auraient ainsi eu connaissance du projet d’attentat. Toujours selon cet informateur, le Mossad aurait informé les services secrets allemands. Mais l’information serait restée bloquée quelque part – et la tragédie a suivi son cours.