Son ultime rêve serait de rechanter sur scène. Alors qu’elle vient de sortir son intégrale, Rika Zaraï compte mettre toutes ses forces pour relever ce défi, elle qui a surmonté un violent AVC. Confidences exclusives.
Vous faites votre grand retour avec cette intégrale, 100 titres en or. Comment allez-vous ?
Si je regarde la sévérité de l’attaque de l’AVC, j’ai plutôt eu de la chance. Je parle normalement et je n’ai pas perdu la mémoire. J’ai des difficultés à marcher. C’est cela qui ne me rend pas très heureuse. Ce sont les principales séquelles.
Vous aviez même perdu votre voix…
J’ai réappris à parler. La moitié de ma langue était paralysée. Cela donnait des barbarismes, des sons bizarres… J’ai travaillé de façon acharnée pour parler normalement. Comme une rage de vivre. Quand on ne peut pas parler, on n’est plus en contact avec la vie.
Cette anthologie est-elle un moyen de dire : « Je suis encore là » ?
C’est la façon de dire aux autres : « Je vous aime ». Pour moi, chanter, c’est aimer. Quand je monte sur scène, je vois devant moi des tas de gens différents, comme un merveilleux arc-en-ciel. Cet assemblage d’humains devant moi a toujours été vécu comme un miracle. Je reste ébahie par tous ces gens qui sont venus me voir.
Vous reverra-t-on un jour sur scène ?
Cela me manque terriblement. Mon rêve serait de remonter sur scène. Cela me fait tellement du bien de chanter, je l’ai fait récemment lors d’une soirée aux Folies Bergère. J’espère sincèrement revivre l’émotion de la scène, même s’il faut m’aider pour marcher.
« J’ai encore plus de joie de vivre qu’avant »
De toutes vos chansons, quelle est celle qui est au top de votre coeur ?
J’aime beaucoup une chanson rythmique comme Casatchok qui exprime la joie de vivre, l’optimisme. Elle encourage les gens à danser, à bouger. Et puis, elle transmet un esprit de communication.
Avez-vous retrouvé, malgré l’épreuve de la maladie, cette joie de vivre ?
J’ai encore plus de joie de vivre qu’avant. J’ai pris conscience que la vie, c’est essentiel. Comme la moindre petite fleur qui, de ses pétales, vous fait un clin d’oeil et vous dit : « Je suis vivante ». Mon combat après l’AVC m’a rendu plus humaine. Maintenant, quand je vois quelqu’un avec une canne ou dans un fauteuil roulant, je sais exactement ce qu’il ressent. J’ai envie de lui dire aussi : « Ce n’est pas grave, l’essentiel, c’est d’être vivant et de se dire que l’on s’aime ».
Vous avez sorti un livre de médecine par les plantes, il y a plusieurs années. Vous en êtes-vous inspirée dans votre guérison ?
Je m’en suis beaucoup inspirée. Sans cela, je ne serais pas en si bonne santé aujourd’hui. Je pense que j’ai eu raison avant les autres. J’ai prôné le bio avant tout le monde, même si, à l’époque, j’avais essuyé de nombreuses critiques. Mon ouvrage est le fruit d’études et de rencontres avec des professeurs dans le monde entier, aux États Unis, en Israël notamment.
On ne soigne pas un AVC uniquement avec des plantes !
Pas uniquement, mais avec pas mal de plantes. J’en suis l’exemple vivant. Si j’arrive à parler et à avoir gardé de la mémoire, c’est grâce à des plantes, une certaine alimentation bio. J’ai énormément amélioré mon état grâce aux aliments bio et à toute une méthode alimentaire et de façon de vivre. J’ai été le cobaye de mon livre sur la médecine par les plantes. (A lire avec beaucoup de distance : ne jamais abandonner la médecine traditionnelle, surtout dans des pathologies graves, si vous tenez à votre peau!!!)
Que ressent l’ex-sergent chef de l’armée israélienne des actes d’antisémitisme en France ?
Vous touchez une question qui m’inquiète et me fait beaucoup souffrir. Quand je suis arrivée en France, en 1959, j’ai toujours dit que j’étais née à Jérusalem et que j’étais de confession juive. J’ai toujours trouvé intéressant de découvrir d’autres pays, d’autres cultures. A chaque fois, les gens m’ont accueillie gentiment, le coeur sur la main. Je suis devenue quelqu’un de la famille. Des tas de gens m’ont dit que lorsque je chantais à la télévision, ils ne voulaient surtout pas qu’on les dérange… J’ai toujours considéré les Français comme étant de ma famille.
Quelle est votre patrie ?
J’en ai deux, celle de la naissance, à Jérusalem. La deuxième patrie, c’est la France qui m’a accueilli à bras ouverts. Mais constater qu’aujourd’hui le nombre d’actes antisémites est à la hausse, cela m’effondre. Je n’ai jamais souffert d’antisémitisme. Sur scène, je n’ai jamais oublié de chanter en hébreux car je veux être authentique, sincère. Je veux être moi-même. C’est la façon la plus agréable de traverser la vie. Dire vraiment qui je suis, et être aimée comme je suis.
Que vous inspirent ces mouvements féministes ou ces femmes, à titre individuel, dénonçant du harcèlement sexuel ?
Culturellement, les femmes ont souvent été considérées comme la partie négligeable de la société. La femme était juste bonne à faire les enfants et la cuisine ! Sans oublier de s’occuper de son mari. La femme peut faire les choses aussi bien que l’homme. Toute manifestation dénonçant des abus est une bonne chose.
Des affaires de harcèlement voire de viol dans le milieu artistique occupent régulièrement l’actualité.
Je comprends que l’on brise la loi du silence. Pour ma part, je n’ai jamais été victime de harcèlement. On le sentait peut-être, on savait que j’avais été sergent chef dans l’armée israélienne. Cela peut faire réfléchir. Toute ma vie, j’ai été moi-même. Ni agressive, ni grossière. Il y a toujours eu en moi cette énergie qui dit : « Pas touche, on ne rigole pas avec ces choses là ! « .
Qu’écoutez-vous en ce moment ?
Georges Brassens reste mon amoureux numéro 1. Je l’ai découvert très jeune dans un magasin de musique de Tel Aviv. Je ne connaissais ni la France ni la chanson française. Le marchand m’a fait écouter L’Auvergnat. J’entendais pour la première fois la merveilleuse langue française. J’ai été subjuguée, envoûtée. C’est à ce moment que tout s’est déclenché en moi. J’ai eu envie de devenir chanteuse…
Olivier Bohin – olivier.bohin@centrefrance.com