Un article du Forward par Jordan Kutzik – Traduit et adapté par Victor Kuperminc
Moins de 48 heures après que l’édition Yiddish de « Harry Potter à l’Ecole des Sorciers » traduit par Arun Visnawath, soit disponible en pré commande, le premier tirage de cent mille exemplaires a été vendu. Notez que Visnawath est le neveu de l’éditeur du Forward (prononcez Forverts).
Pour un éditeur Yiddish en 2020 c’est, pour ainsi dire, magique.
Et une seconde édition est sous presse, selon l’éditeur !
« C’est fou, difficile à croire, dit Olniansky, l’éditeur basé en Suède. « Nous pensions vendre environ 1000 exemplaires, s’agissant d’un livre « non hassidique ».
Il ajoute que les exemplaires ont été commandés aux Etats-Unis, en Israël, en Pologne, en Suède, au Maroc, en Australie et … en Chine.
Très peu de nouveaux livres en Yiddish édités en dehors du monde Hassidique, vendent plus de 1000 exemplaires en un an, alors, 48 heures ! La plupart des livres Yiddish pour adultes sont édités à compte d’auteur, ou imprimés par un ou deux éditeurs israéliens, en un tirage très modeste de quelques douzaines. Les auteurs organisent leur propre promotion et vendent leurs ouvrages grâce au bouche à oreille, dans la petite communauté de leurs lecteurs. Et, bien que certaines fictions obtiennent des prix littéraires réputés, le public est si limité que, financièrement, on couvre les charges, on ne fait pas fortune !
Olniansky n’imprime habituellement que 500 exemplaires de ses livres. Des livres scolaires enseignant le vocabulaire ; et des ouvrages bilingues, suédois et yiddish. Il reçoit des subventions du gouvernement suédois, le Yiddish étant considéré comme une langue minoritaire.
Dans le monde Hassidique, les ventes sont plus importantes, mais demeurent modestes dans l’industrie du livre. De nombreux ouvrages édités en anglais et hébreu sont destinés aux communautés orthodoxes de New-York et d’Israël. Ce qui participe à couvrir le coût d’impression.
Dans ces conditions, comment l’édition de « Harry Potter à l’Ecole des Sorciers » peut-elle envisager de vendre 1000 exemplaires en 48 heures ? La popularité de « Harry Potter » est un facteur essentiel. Parmi les livres ayant vendu plus de 500 millions d’exemplaires dans le monde, les droits cinématographiques, les produits dérivés et les parcs à thème, le monde des magiciens de J.K. Rowling est un des phénomènes commerciaux les plus importants de l’histoire. Et traduire les livres est devenu un outil populaire pour l’enseignement des langues. Il n’est donc pas surprenant que certaines des personnes ayant commandé le livre aient déclaré être des étudiants (ou d’anciens étudiants) de la langue Yiddish. Mais il y a aussi bon nombre de yiddishophones, si l’on en croit les réseaux sociaux. Sans oublier les collectionneurs qui achètent les traductions de leurs livres préférés, même s’ils ne savent pas les lire.
« Je suis optimiste par nature, mais, je suis sidéré, dit Arun Visnawath, le traducteur du livre, remarquant que les réponses enthousiastes ne viennent pas seulement du monde juif ; mais plus largement du fidèle public du monde enchanté de Harry Potter.
Même si « Harry Potter à l’école des Sorciers » en Yiddish est un succès inattendu, ceci n’est que le dernier d’une longue liste parmi les livres pour enfants traduits dans la langue de Shalom Aleihem. Avant la Seconde guerre mondiale, nombre d’oeuvres littéraires américaines et européennes furent traduits en Yiddish. Parmi lesquelles : « Le Prince et le pauvre » de Mark Twain ; « Le livre de la jungle » de Rudyard Kipling ; « Olivier Twist » de Charles Dickens ; et « l’Empereur et les habits neufs » de Hans Christian Andersen.
Et plus récemment, d’autres traductions de la littérature enfantine. Ainsi « Le Petit Prince » d’Antoine de Saint Exupery. Et « Winnie l’Ourson » De Allan Alexander Milne. Et bien d’autres.
Note du traducteur
Les grands classiques français, dont « Les Trois Mousquetaires » et « Les Misérables » ont été traduits en Yiddish. Jules Verne et Emile Zola aussi. Mais Racine, Corneille, Molière, cela reste à faire.
Conseil de lecture : « Les joies du Yiddish (Calmann Lévy 2011) de Leo Rosten, traduit et adapté par votre serviteur.
Victor Kuperminc