Théo Klein, qui fut une des grandes figures du judaïsme français, de la guerre jusqu’à ses derniers jours, nous a quittés.
Né le 25 juin 1920 dans le 10e arrondissement de Paris, Théo (Théodore) Klein est issu d’une famille juive alsacienne très enracinée dans la double fidélité à la tradition juive et à la République. Théo Klein a connu la guerre, l’Occupation et a été, durant les années 1942/1944, l’un des responsables de la résistance juive en France et a participé notamment au sauvetage de centaines de personnes, en particulier d’adolescents en zone Sud. Il fut le premier président des Anciens de la résistance juive (ARJ).
Théo #Klein était la tolérance et la générosité même. Un homme de paix, de culture et d’ouverture. Il fut un grand avocat. Comme président du CRIF, il a incarné ce que le judaisme libéral français peut produire de meilleur. RIP pic.twitter.com/3wBJ1yjLKH
— Claude Weill (@WeillClaude) January 28, 2020
Théo Klein a aussi pleinement participé à la reconstruction du judaïsme français à la Libération en occupant des postes à responsabilités dans de nombreuses organisations juives. De 1945 à 1950, il fut président de l’Union des étudiants juifs de France. De 1970 à 1973, il fut vice-président du Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF) pour enfin en être le président de 1983 à 1989, et son président d’honneur, jusqu’à son dernier jour. Il quitte le CRIF en 2012 suite à un désaccord avec Richard Prasquier, au sujet de Charles Enderlin.
Hommage à Theo Klein décédé aujourd’hui. Résistant, Président de l’UEJF à la sortie de la guerre puis Président du Crif, il s’est battu toute sa vie pour défendre les valeurs juives et républicaines pic.twitter.com/tOKUCdrvEH
— UEJF (@uejf) January 28, 2020
Théo Klein a été membre du Comité international du Musée d’Auschwitz et président du Jury du prix Mémoire de la Shoah jusqu’à sa dissolution en 2009, et président du Musée d’art et d’histoire du judaïsme à Paris. Il a mené une brillante carrière professionnelle. Ayant prêté serment en 1945 Théo Klein, avocat aux barreaux de Paris et d’Israël, développe une clientèle personnelle puis fonde en 1973 une structure d’avocats d’affaires installée à l’adresse historique du 44, avenue des Champs-Elysées.
Tristesse infinie en apprenant le décès de Théo Klein dans sa 100è année. Résistant, intellectuel, ancien président @uejf et @Le_CRIF, homme de dialogue et de paix, il est aussi la figure tutélaire de notre cabinet dont il fut le fondateur. Que ses idées et combats nous inspirent pic.twitter.com/PR4SFA9oAB
— Matthias Fekl (@MatthiasFekl) January 28, 2020
Théo Klein a initié et organisé la négociation judéo-catholique en vue de la solution de l‘affaire du Carmel d’Auschwitz, et, à ce titre, a coprésidé avec le cardinal Decourtray le groupe de contact qui a permis l’élaboration puis l’exécution des accords bilatéraux et l’installation des sœurs carmélites à l’extérieur du camp de concentration et d’extermination d’Auschwitz.
Le repas du CRIF
La plus grande réussite de Théo Klein, son coup de génie, c’est d’avoir inventé le mythique repas du CRIF, qui est aujourd’hui une institution.
Lors de ce dîner, la République était au début censée être incarnée par la présence du Premier ministre. Ainsi, lors du premier dîner, qui se tient en 1985 au Sénat, Laurent Fabius est l’invité d’honneur. On y parle beaucoup de Le Pen et du Front national. Même chose en 1987, quand le premier ministre Jacques Chirac se rend à cet événement encore très peu médiatisé.
En 1987, Théo Klein change de braquet et invite pour l’année suivante François Mitterrand, le président de la République. C’est un proche de Théo Klein, il était avec lui lors du déplacement de Mitterrand en URSS en 1984 où avait été évoquée la question sensible des juifs d’URSS.
Pourtant le président de la République refuse de se rendre au CRIF, considérant que ce n’est pas sa place. Car même si on y parle essentiellement politique, François Mitterrand y voit une entorse au principe de laïcité, le CRIF est tout de même une institution dont la dimension religieuse n’est pas absente. Il considère également qu’en charge de la diplomatie française, il se doit d’être neutre. Un an après le dîner du CRIF qu’il a refusé, François Mitterrand recevra Yasser Arafat à l’Élysée, une visite condamnée par le CRIF.
Passionnants échanges avec les @AmisDuCrif mais attristés par l’annonce de la disparition de Theo Klein, ancien président du @Le_CRIF. En parlant de valeurs républicaines, de mémoire, de lutte contre le racisme et l’antisemitsime et de culture, nous lui avons ainsi rendu hommage. pic.twitter.com/HThcqFTRPz
— Benjamin Griveaux (@BGriveaux) January 28, 2020
Si le dîner du CRIF devient un événement où se pressent les premiers ministres et les dirigeants de gauche et de droite, le président de la République reste soigneusement à l’écart… jusqu’au 13 février 2008. Un président, Nicolas Sarkozy, transgresse une sorte de tabou. Depuis, tous les présidents se sont rendus au dîner annuel du CRIF, oubliant les réticences des présidents François Mitterrand et Jacques Chirac.
Certes Théo Klein n’a pas toujours été d’accord avec le CRIF et ses positions sur le conflit israélo-palestinien n’ont pas toujours été appréciées par tous. Mais n’oublions jamais ce que nous lui devons : une image forte et digne, d’un juif attaché à sa communauté, mais marchant toujours droit dans ses bottes, en respectant ses convictions intimes.
Merci de votre travail et de votre action, nous ne vous oublierons pas Monsieur Klein.
Line Tubiana
Je ne partage pas cet hommage. Je me permettrai de citer ici quelques passages de l’article que Meïr Ben-Hayoun lui a consacré:
« Lorsque les attentats faisaient rage ici, que les autobus étaient pulvérisés et des corps juifs atrocement déchiquetés en mille morceaux, il n’avait pas trouvé mieux que de diffuser dans le Monde trop content de lui ouvrir ses colonnes des articles où il fustigeait et morigènait Israel. Pour lui, l’Etat juif était responsable de la vague de terrorisme parce qu’il n’avait pas suffisamment satisfait les désidératas d’Arafat. »
[…] »Théo Klein avait dénigré ceux qui dénonçaient la recrudescence d’antisémitisme du début des années 2000. »
« Le comble fut lorsqu’il coupa ses liens avec le CRIF sous prétexte que son Président, Richard Prasquier, avait soutenu la démonstration de Philippe Karsenty sur le bidonnage de l’Affaire A Dura. Un ancien président du CRIF soutenant Charles Enderlin l’auteur du bidonnage médiatique du siècle à l’origine de la vague d’antisémitisme la plus violente depuis la fin de la Seconde guerre mondiale. »