Emmanuel Macron a été rappelé à l’ordre par les deux plus hauts magistrats de France, après s’être prononcé en faveur d’un procès pour le meurtre de Sarah Halimi. La philosophe Sylviane Agacinsky, invitée sur Europe 1, a défendu la démarche du président de la République.
C’est une mise au point extrêmement rare des deux plus hauts magistrats du pays. La première présidente de la Cour de cassation, Chantal Arens, et le procureur général François Molins, ont rappelé lundi « l’indépendance de la justice », après les déclarations d’Emmanuel Macron concernant l’affaire Sarah Halimi. Le président de la République avait dit souhaiter un procès, alors que la cour d’appel de Paris a déclaré pénalement irresponsable le suspect du meurtre de cette sexagénaire juive. « Même si à la fin le juge décidait que la responsabilité pénale n’est pas là, le besoin de procès est là« , avait déclaré Emmanuel Macron, s’attirant de vives critiques des syndicats de magistrats.
Mais pour la philosophe Sylviane Agacinsky, le président de la République était dans son bon droit en se prononçant sur cette affaire. « J’ai vu cette phrase comme une réflexion de la liberté de l’esprit, et non pas comme une immixtion dans la justice. Je trouve non seulement qu’il a le droit, et qu’il peut faire appel à sa conscience pour dire que dans certains cas il serait bon que des procès aient lieu », a-t-elle déclaré, lundi soir sur Europe 1.
« Il y a une différence entre l’altération et l’abolition »
« Je n’ai pas eu le sentiment qu’il prenait position en agissant sur la justice. Il a juste constaté qu’il y avait un recours devant la Cour de cassation, et il a évoqué ce qui lui remontait du pays, c’est-à-dire ce besoin de procès. Un procès sert à rappeler la loi, la transgression de la loi, les conditions d’un meurtre, y compris les idéologies. Quand quelqu’un tue en criant Allah Akbar, et surtout par antisémitisme, et c’était bien le cas, cela pose la question de la responsabilité« , a poursuivi Sylviane Agacinsky. La justice, qui a qualifié d’antisémite ce crime commis à Paris en 2017, a déclaré le 19 décembre dernier le suspect pénalement irresponsable, car ce gros fumeur de cannabis était alors en proie à une « bouffée délirante ».
« Il y a une différence entre l’altération et l’abolition des capacités mentales. Altération, cela veut dire qu’il peut y avoir procès. Abolition, il ne peut pas y avoir de procès. A titre personnel, il me semble qu’on doit essayer de rendre la justice pour ces crimes. Puis ensuite, si les experts expliquent les problèmes du meurtrier, alors on peut considérer les aménagements de peine », a estimé la philosophe. La cour d’appel de Paris avait déclaré le suspect pénalement irresponsable « en raison d’un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli son discernement ».
Europe 1
Par Julien Ricotta