Il faut attendre huit jours et la circoncision pour connaître le prénom d’un bébé de sexe masculin juif. Pour quelles raisons ?
Pourquoi les parents juifs du monde entier qui accueillent un garçon attendent-ils huit jours pour donner son prénom à leur familles et amis ? Deux rabbins nous éclairent.
C’est une scène cocasse pour qui n’est pas au fait des rituels juifs. Johanna, parisienne de 36 ans, vint d’accoucher d’un garçon. Ses collègues et amis viennent la voir à l’hôpital et lui demande comment se nomme l’enfant. Réponse : « Tu le sauras dans huit jours, au moment de la circoncision ! » Certes, on connait la place du rite dans la vie quotidienne des croyants juifs, mais cette pratique suscite l’interrogation. Loi gravée dans le marbre ou tradition qui a la vie dure ?
Une coutume devenue référence
« C’est purement coutumier, assure Nissim Sultan, rabbin de Grenoble. On a pris l’habitude de nommer le garçon au moment de la Brit Milah (circoncision) car c’est un moment hautement spirituel où le nouveau né mâle entre dans l’alliance avec Dieu. »
Une alliance qui prend source dans la Genèse lorsque Dieu commande à Abraham de se circoncire à l’âge de 99 ans. Il devra ensuite l’imposer au peuple juif dans son ensemble. Comme il est dit dans le Lévitique 12,2 : « Le huitième jour, la chair du prépuce sera circoncise. » S’il n’y a pas de raisons explicites à ces huit jours, on sait que ce commandement est une priorité absolue. Il marque en effet le moment où Abram devient Abraham. Il ajoute la lettre « Hé » à son prénom qui est aussi l’un de Dieu. Pour le rabbin, donner le prénom du nourrisson au moment de la circoncision, c’est officialiser sa naissance et la faire connaître au plus grand nombre. « C’est la notion de notoriété qui créé l’ancrage du prénom et le rend définitif. Mais attention, ce n’est pas le 11ème commandement ! »
L’importance du prénom
Une petite phrase à destination de ceux qui en font une injonction et optent pour une posture superstitieuse. Qu’ils se rassurent, déclarer le prénom au moment de la Brit Milah ne signifie pas que c’est interdit avant ! C’est ce que confirme le rabbin Moché Lewin, président de la Conférence des rabbins européens. « Ce n’est pas une loi biblique. La preuve, c’est que quand on ne peut pas faire la circoncision pour raison médicale, on donne quand même un prénom au nouveau né et l’on n’attend pas un ou plusieurs mois. »
Le conseiller spécial du grand-rabbin de France Haïm Korsia insiste aussi sur l’importance du prénom dans la tradition juive. « À l’époque du Talmud, pour la naissance d’un garçon, on plantait un cèdre, et pour une fille un pin. On utilisait les feuilles pour couvrir le dais nuptial lorsqu’ils allaient se marier. C’est une coutume qui a été abandonnée au profit de la nomination durant la Brit Milah. Avant, on considère qu’il manque quelque chose à l’enfant, qu’il n’est pas entré dans l’alliance. La circoncision parachève le garçon au niveau spirituel. »
Quid des filles ? Depuis le Moyen-Age, on a pris l’habitude d’acter leur nomination à la synagogue le jour de la lecture de la Torah le plus proche de la naissance. Là encore, rien d’obligatoire, tout est dans le symbole. Comme souvent dans la tradition juive
Fanny Bijaoui