Depuis la création de l’État en 1948, près de 121 000 Français juifs ont choisi de vivre en Israël. Quelles ont été leurs motivations ? Comment jugent-ils leurs deux pays ? Nous en avons rencontré quatre, âgés de 24 à 95 ans, vivant à Jérusalem, Tel Aviv, dans un kibboutz et dans une colonie.
Mercredi 22 et jeudi 23 janvier, Emmanuel Macron se rend en Israël et dans les Territoires Palestiniens. Jeudi à Jérusalem, il assistera à une cérémonie internationale commémorant le 75e anniversaire de la libération du camp d’extermination d’Auschwitz. À cette occasion, il invite les Franco-israéliens à le rencontrer. Ces derniers sont environ 100 000 à vivre en Israël.
Depuis 1948 (la date de la création de l’Etat d’Israël), près de 121 000 Français juifs sont partis vivre en Israël selon les statistiques de l’Agence Juive, l’organisme gouvernemental chargé de l’immigration dans ce pays. Tous n’ont pas eu la même motivation au départ ni les mêmes convictions, tous n’ont pas la même relation avec leur pays de départ et leur pays d’arrivée. Le correspondant de France Culture à Jérusalem Frédéric Métézeau est allé à la rencontre de quatre d’entre-eux. Âgés de 95, 72, 56 et 24 ans, ils représentent quatre générations.
Les témoignages
- Lucien Lazare, 91 ans, vit à Jérusalem depuis 1968
« En 1949, quand j’ai posé le pied à terre au port de Haïfa. Je me suis senti, curieusement, à la maison ». - Uri Weber, 72 ans, vit dans le kibboutz Yehiam depuis 1966
« Ceux pour qui le judaïsme est important en tant que culture et patrimoine, leur place est en Israël. Encore quelques générations et le judaïsme de France disparaîtra ». - Bernard Zanzouri, 56 ans, est arrivé en 1983 et vit dans la colonie israélienne d’Ofrat en Cisjordanie
« Des fois, on est tiraillés entre les deux. Très souvent, on va se sentir plus israélien mais la part française est très forte ». - Marine, 24 ans, vit à Tel Aviv depuis trois ans
« Il n’y a pas un jour sans que je me demande si j’ai fait le bon choix. Mais je ne pense pas pouvoir revivre en France. Je ne reviendrai pas en France même si elle me manque ».
La majorité des Français venus vivre en Israël ces dernières années invoquent l’antisémitisme comme motivation principale à leur départ. Effectivement, les statistiques officielles du ministère français de l’Intérieur et de l’Agence Juive en Israël se suivent : quand l’antisémitisme augmente en France, les départs vers Israël augmentent l’année suivante. Cela a été le cas sur les années 2002-2005 pendant la seconde intifada quand le nombre de départs à doublé, puis de 2012 à 2016 avec les attentats de l’école Ozar Hatorah à Toulouse et de l’Hypercasher à Paris, où ils ont triplé.
10% d’échecs
En 2019, un peu plus de 2 000 Français ont effectué leur aliya, c’est à dire leur « montée » vers Israël. Les flux sont ainsi revenus à un niveau assez bas puisqu’ils étaient près de 8 000 en 2015. Selon nos informations collectées en Israël, on enregistre en moyenne 10% de retour chez les Français mais ce taux monte à 30% pour les personnes qui n’ont pas pris assez de temps pour préparer leur nouvelle vie, c’est-à-dire au moins trois ans. Mais ces chiffres de la yerida, c’est à dire « la descente » au départ d’Israël demeurent tabous.