Provocateurs et adeptes d’autodérision, les quinquagénaires germano-israéliens mâtinent leur klezmer punk de surf rock et d’afrobeat sur «Catastrophic Life». A découvrir ce jeudi à la Bellevilloise.
Les prémices ont tout de la blague juive. Un vétérinaire, un businessman et un psy, tous ashkénazes et quinquagénaires, roulent leur bosse en Allemagne. Que font-ils quand il se rencontrent ? Ils fondent un groupe de klezmer punk aux paroles oscillant entre la vanne salace, la critique sociale et les misères de l’âge (de l’impuissance à la tyrannie du mariage) pour créer «le genre de musique que les juifs européens auraient pu faire s’il n’y avait pas eu l’Holocauste».
Puis filent réchauffer leurs vieux os sur les plages israéliennes. A gros traits (le groupe nous pardonnera, après tout la subtilité n’est ni son fort, ni son but), voilà la recette originale des Jewish Monkeys, provocateurs immatures, absurdistes et engagés, dont les pieds sont à Tel-Aviv mais le cœur et la fanbase à Francfort, qu’ils ont rebaptisé Punkfurt.
En une décennie et trois albums, le trio, qui se réclame pêle-mêle du folklore yiddish, de Frank Zappa (celui de Jewish Princess), de Groucho Marx et du hardcore teuton, a revu ses ambitions à la hausse sur Catastrophic Life, et se présente désormais avec le renfort de cuivres musculeux et d’un shredder à chignon à la guitare (l’accordéon, lui, a disparu). Arrivé il y a quatre ans aux côtés (au chevet ?) de ces gag-rockeurs loquaces sur leur mal de dos mais à la vitalité bluffante d’hystérie dépressive sur scène, Omer Hershman, le gratteux en question et co-compositeur de la dernière livraison du combo, résume : «L’idée était d’étendre la fondation juive et humoristique du groupe à différents genres, du surf rock à l’afrobeat. Mais en gardant toujours l’auto-dépréciation. De toute façon, quand j’écris, j’ai la tronche de Jossi [le chanteur leader émacié roulant les « r », ndlr], en face de moi, ce serait compliqué de se prendre au sérieux…»
Si l’on craignait le mélange indigeste, ces métissages très «alter», chantés tour à tour en anglais rugueux, français suave, allemand ou yiddish, fonctionnent la plupart du temps. Et presque à coup sûr en concert, les mélodies du shtetl démontrant une capacité d’entraînement indéniable, jamais démenties depuis Rabbi Jacob.
J’adore ! Aussi émue que secouée par la musique et le talent, bravo et merci !