Les archives Arolsen viennent de mettre à disposition sur leur site environ 850 000 documents concernant 10 millions de personnes persécutées par les nazis. Ce fonds situé à Bad Arolsen, dans le centre de l’Allemagne, et en partie classé par l’Unesco, est le plus complet sur ces persécutions.
Depuis ce mardi, la base unique au monde des archives Arolsen est très largement enrichie. Elle propose un nouvel accès à des centaines de milliers de documents après une première mise en disposition en mai dernier. Il suffit de rentrer un nom dans le moteur de recherche de ce fonds (anciennement appelé « ITS ») pour obtenir le détail des persécutions nazies sur des millions de personnes. Avec notamment la présentation des fiches jaunies correspondant aux dates de l’arrestation d’une personne déportée, son enregistrement en camp de concentration ou son exécution. Les descendants des victimes de la Shoah peuvent ainsi, de l’autre bout du monde, connaître la destinée tragique de leurs aïeux.
850 000 documents concernant 10 millions de personnes
Environ 850 000 nouveaux documents sur des victimes du nazisme ont été mis en ligne hier par le S.I.R, le Service international de recherches ou archives Arolsen. Concernant 10 millions de personnes, ils proviennent du secteur d’occupation américain en Allemagne. Ils ont été collectés à la fin de la guerre dans les administrations ou les entreprises qui employaient les travailleurs forcés. À l’hiver 1945/46, les quatre puissances occupantes avaient en effet donné des ordres aux communautés allemandes, aux entreprises, à la police et à d’autres institutions pour créer des listes d’étrangers, de juifs allemands et d’apatrides enregistrés auprès d’eux. Cela comprenait des précisions sur les lieux de sépulture.
Ces données constituent aujourd’hui une source précieuse d’informations pour les familles ou les chercheurs. Dans le communiqué lié à cet événement, Rebecca Boehling, directrice par intérim de l’Institut national de l’Holocauste (US Holocaust Memorial Museum), souligne l’importance de cette nouveauté : « La zone d’occupation américaine étant la plus grande zone alliée, le nombre de personnes persécutées par le régime nazi qui ont été enregistrées à la fin de la guerre est d’une importance extraordinaire pour la recherche des personnes disparues et pour en savoir plus sur les voies de persécution des victimes et des survivants. »
Les archives Arolsen expliquent avoir obtenu pour cette prouesse technique le soutien d’Ancestry, la plus grande plateforme de recherche généalogique en ligne au monde.
Un fonds unique avec des documents classés au patrimoine documentaire mondial de l’Unesco « Mémoire du monde »
Créé à la fin de la Seconde Guerre mondiale pour « œuvre[r] en faveur des victimes des persécutions nazies et de leurs familles en établissant leur sort à l’aide de ses archives », le Service international de Recherches de Bad Arolsen (dans la Hesse) est régi depuis 1955 par des accords internationaux, racontent les Archives nationales de France. La France est en effet partie prenante car « selon ces accords, une Commission internationale, composée de représentants de 11 pays, dont la France, définit les missions du SIR et nomme son directeur ». Et en 2006, « les représentants des 11 États membres de la Commission ont décidé l’ouverture des archives du SIR à la recherche historique et la possibilité, pour les États membres, de disposer d’une copie numérique de ces archives. C’est ainsi que la France a demandé et obtenu une copie, déposée aux Archives nationales. »
Longtemps appelée « ITS » (pour International Tracing Service), l’institution a commencé à rendre accessible ses pièces sur internet en mai 2019 et, avec ses 240 employés, elle oeuvre sur la base de nombreux partenariats internationaux, dont un permanent avec l’Alliance internationale pour la mémoire de l’Holocauste (IHRA).
Les archives Arolsen représentent aujourd’hui un fonds de 27 kilomètres de linéaires ! Avec 50 millions de fiches sur 17,5 millions de victimes, que le service souhaite mettre en ligne dans son intégralité d’ici 2025. Une grande partie a été enregistrée par l’Unesco dans son Registre « Mémoire du monde« , en 2013, et la prochaine publication sur internet concernera les documents collectés dans le secteur britannique d’occupation de l’Allemagne.
« Puissent ces archives, qui servent à racheter les victimes et leurs proches, rappeler à toutes les générations futures de ne plus jamais laisser un tel mal se reproduire sur l’humanité. »
Citation de l’acte de détermination tripartite initiant ces archives, le 20 août 1952
Par David Philippot et Eric Chaverou