Émile Fondronnier, grand-père de Joël, l’ancien médecin baralbin (habitant de Bar-sur-Aube), avait sauvé Louis Lévy en 1944. Ce dernier est venu ensuite s’installer à Chavanges, où son fils vit toujours.
C’est une histoire qui s’est d’abord écrite dans le Sud-Ouest de la France, avant d’avoir une résonance particulière dans l’Est aubois. Depuis quatre décennies désormais, une partie des familles Fondronnier et Lévy vivent à une trentaine de kilomètres l’une de l’autre. Mais leurs liens dépassent la seule proximité géographique. Ils s’inscrivent dans l’histoire, la grande, avec un «H» majuscule (voir par ailleurs).
On ne l’accorde pas à n’importe qui
Leur passé commun est à nouveau d’actualité, « depuis deux ans » selon le Baralbin d’adoption Joël Fondronnier. Le 14 mai 2018, l’Institut Yad Vashem de Jérusalem a décerné le titre de Juste parmi les Nations à son grand-père, Émile Fondronnier. À l’initiative, Yaël Grin Haddad, nièce de Louis Lévy, qui s’est installée depuis peu à Jérusalem. Elle a notamment écrit un ouvrage sur l’histoire de sa famille, et donc, les événements de la Seconde Guerre mondiale.
« Elle a déclenché le processus et m’a tenu informé de sa progression. Il faut savoir qu’il s’agit d’une démarche très longue, d’un honneur qui ne s’obtient pas sans une enquête approfondie. On ne l’accorde pas à n’importe qui », éclaire le petit-fils d’Émile. Un petit-fils qui parle d’une «émotion intense, difficile à oublier», lors de la cérémonie de remise de médaille organisée à Agen le 3 novembre.
La Marche de la mort
Gérard Lévy et sa femme Jacqueline se disent tout autant heureux de cette récompense post-mortem. Eux qui ont toujours vécu à Chavanges. Le fils de Louis y a repris le commerce de bestiaux de son père. « En fait, la sœur aînée de mon père, Janine, avait épousé un négociant de bestiaux de Chavanges, Raymond Marx. Or, suite à l’occupation, ils étaient partis eux aussi s’installer du côté d’Agen, où ils ont installé une petite ferme. Mais un jour, à la fin de l’année 1944, les Allemands ont débarqué dans le petit village où ils vivaient. S’ils avaient réussi à placer mes trois petites cousines, eux ont été arrêtés ». Pour rejoindre, ensuite, le tristement célèbre camp d’Auschwitz (Pologne). La tante de Gérard Lévy y a survécu, pas son oncle Raymond, probablement exécuté lors de la Marche de la mort.
Le sauvetage de son père, le Chavangeois le connaît depuis de longue date. « Cela aurait été mieux que cette reconnaissance soit donnée de son vivant. Néanmoins, elle est méritée. Elle vient rappeler qu’il y a de bonnes actions à valoriser. Même si à l’époque, il n’y a pas eu que des bons »
Au milieu des années 1960, un repas a réuni les deux familles, dans la région d’Épernay. « Mon père (Jacques, NDLR) a voulu payer son écot à la fin du repas. Louis Lévy lui a répondu : « On verra ça quand tu auras mangé à ma table aussi souvent que moi à la tienne ». Difficile de mieux exprimer une reconnaissance éternelle.
Le récit des multiples sauvetages de Louis Lévy
C’est un jour de 1944, Agen est, normalement, encore en zone libre. Louis Lévy et sa famille y vivent depuis plusieurs mois afin de fuir les Allemands. Mais ce jour-là, ces derniers le rattrape. Au courant de leur descente, un enseignant de l’École pratique de commerce et d’industrie où il suit des cours le prévient en pleine classe et l’incite à s’en aller. Son ami Jean – fils d’Émile et l’oncle de Joël – lui propose alors d’aller chez lui, à Saint-Livrade-sur-Lot. Une quarantaine de kilomètres parcourus à vélo, mais ce n’est pas le terme du voyage. Émile Fondronnier l’emmène dans un bois pour le cacher. Un bois dans lequel on retrouve des résistants, des réfractaires au Service du travail obligatoire, d’autres Juifs…
Après plusieurs semaines à travailler sur l’exploitation de son bienfaiteur, en avril 1944, Louis Lévy voit la menace d’une nouvelle rafle arriver. Les nazis n’hésitent pas à mettre le feu à la forêt. Mais le jeune Vitryat est récupéré par Émile Fondronnier, se cache – dans un sac de charbon – et est emmené dans un village retiré.
Plus tard, il se rend dans l’appartement familial d’Agen, déserté, pour récupérer quelques affaires. C’est alors qu’André Selsis, autre Juste honoré à Agen début novembre, le sauve également. La milice française arrive au même moment. Mais le propriétaire du logement en question la redirige vers un autre appartement et permet au jeune Louis d’échapper à nouveau à un funeste destin.