Au nom de la lutte antiterroriste, les autorités saoudiennes ont adopté une définition de plus en plus extensible de l’extrémisme. Le féminisme en fait désormais officiellement partie et sera sanctionné de peines de prison et de coups de fouet.
Une vidéo de la sécurité d’État puis un article de presse avaient affirmé, mardi 12 novembre, que le féminisme allait être considéré comme une forme d’extrémisme, au même titre que l’incitation au terrorisme. Une affirmation rapidement démentie par les autorités, mais qui ne clôt pas le débat.
Selon les grandes agences de presse occidentales, il s’agit d’un “rétropédalage” des autorités, puisque ladite vidéo a été retirée mardi 12 novembre, après avoir “suscité des critiques d’organisations telles qu’Amnesty International”.
Tentative de déstabilisation du pouvoir…
“On dirait qu’il y a des tiraillements au sein des instances étatiques”, écrit à ce propos, sur son compte Twitter, la spécialiste des affaires saoudiennes Madawi Al-Rasheed. “Comme s’il y en avait qui avaient voulu embarrasser MBS [le prince héritier Mohammed ben Salmane]. […] Je ne pense pas qu’il s’agisse simplement d’une erreur.” Et de suggérer que ce sont des adeptes de l’ancien prince héritier Mohamed ben Nayef – écarté sans ménagement du pouvoir en 2017 – qui étaient à la manœuvre pour déstabiliser l’homme fort de Riyad.
À l’encontre de cette thèse d’une sorte “d’État profond” saoudien qui travaillerait à la perte de MBS, le journal américain The Washington Post estime au contraire que cette vidéo posait en effet un problème parce qu’elle nuisait à la communication des Saoudiens à l’adresse notamment des Américains, qui s’évertue à présenter MBS comme un réformateur qui fait avancer la cause des femmes.
… ou musellement de toutes les dissidences ?
Reste que les démentis de la sécurité de l’État saoudienne ne concernent que le féminisme, mais pas l’athéisme ni l’homosexualité, également cités dans l’article d’Al-Watan, comme relevant de l’extrémisme. En effet, les deux restent passibles de la peine de mort en Arabie Saoudite, et l’athéisme tombe sous le coup de la loi antiterroriste, particulièrement dure.
Selon The Washington Post, toute la séquence – de la publication de la vidéo, puis de son retrait et du démenti officiel – a pu obéir à une certaine logique : « Tout laisse à penser que le royaume cherche à étendre et à formaliser les moyens dont il dispose pour réduire au silence toute dissidence, à un moment où des manifestations en faveur des réformes ébranlent d’autres pays arabes tels que l’Irak et le Liban.”