La dessinatrice Coco est à Strasbourg samedi avec une partie de l’équipe de Charlie Hebdo au Forum mondial de la démocratie. Aller « de nouveau » à la rencontre du public et défendre la satire est pour elle, « un marqueur fort ».
Une partie de l’équipe de l’hebdomadaire Charlie Hebdo est à Strasbourg samedi 2 novembre dans le cadre du Forum mondial de la démocratie. Il s’agit de la première intervention collective de Charlie Hebdo depuis l’attentat de janvier 2015. « Un marqueur fort », estime la dessinatrice Coco sur franceinfo, qui revendique le droit « de pouvoir critiquer les religions » comme le journal « l’a toujours fait ».
franceinfo : Pourquoi cette envie de prendre la parole collectivement à Strasbourg ?
Coco : Depuis l’attentat, c’est important pour nous d’aller de nouveau à la rencontre du public. [Le dessin de presse] est menacé, vous avez tous entendu parler du New York Times qui a pris la décision d’arrêter le dessin de presse dans ses colonnes. Le dessin de presse, la liberté d’opinion, c’est un des piliers de nos démocraties, on aide à informer, à faire rire, à déranger, c’est très important.
On donne un peu les moyens de comprendre la caricature à travers des thématiques fortes : les politiques, les religions, les femmes, les minorités… Comment ça s’inscrit aujourd’hui dans un monde où par exemple tout le monde se prend en photo sur Instagram, sur Snapchat, et passe par des filtres déformant son image. Sitôt que les gens sont confrontés à une caricature d’eux, ça ne leur plaît pas. On entend souvent « de toute façon, on ne peut plus rien dire ». Vous avez les réseaux sociaux qui deviennent parfois des déversoirs à haine et insultes, vous avez Éric Zemmour qui a une émission d’une heure chaque soir sur la TNT. On a plutôt l’impression qu’on peut tout dire ! Zemmour a les propos qu’il tient, qui sont absolument abjects selon moi. Mais nous serions mal placés à Charlie Hebdo d’empêcher de parler qui que ce soit. La liberté d’expression c’est pour tout le monde. Après, chacun se fait son avis, son opinion sur ce qui est dit, raconté, défendu, partagé ou pas. Dans mon travail, j’essaie de ne pas trop penser à ça. Je ne pense pas à celui qui va recevoir. Personne n’est intouchable au dessin de presse ou à la caricature. Dans ce cas-là, on ne ferait absolument plus rien. Le rire c’est quelque chose de social. Il faut que les gens puissent avoir du recul sur eux-mêmes. Le rire c’est une affaire de confiance. Et dès lors qu’on a confiance dans une relation on peut rire de soi. Et le rire de soi ça manque maintenant
La dernière Une de Charlie Hebdo, où on voit des femmes voilées avec Emmanuel Macron au premier plan et comme titre « République islamique en marche », a suscité pas mal de passions. Est-ce qu’il y a eu un débat au sein de la rédaction ? Ou une unanimité de dire « on la fait et on s’en fout » ?
La couverture, c’est de la satire, c’est dans l’exagération. « La République islamique en marche » c’est pour grossir le trait. Je suis féministe, pour l’égalité entre les hommes et les femmes et je ne me vois pas défendre ce vêtement. Je suis aussi mère de famille. J’ai déjà accompagné des enfants à l’école en sortie scolaire et je me suis rendue compte que les maîtresses étaient débordées et faisaient appel à des mamans pour donner un coup de main. Je trouve qu’il y a déjà un problème au niveau de l’Éducation nationale qui ne devrait pas avoir à demander aux mères d’aider. Mais il n’empêche que je n’ai pas envie de soutenir ce vêtement que je trouve absolument réac.
Sur le voile, certaines Françaises disent « on parle tout le temps à notre place », notamment dans un article du Monde. Est-ce que la liberté de le porter pour certaines correspond à la liberté que vous pouvez défendre aussi à Charlie Hebdo ?
On n’empêche personne de porter quoi que ce soit, on se donne le droit de pouvoir critiquer les religions comme on l’a toujours fait. On a critiqué la religion catholique, on critique la religion musulmane, on critique les bouddhistes qui frappent sur des Rohingyas. On se donne le droit de critiquer les religions et je pense que c’est quelque chose de normal.