Le SS Karl Münter, impliqué dans le massacre d’Ascq est décédé à l’âge de 96 ans. Pour de nombreux descendants de victimes, c’est l’espoir de le voir comparaître devant une cour de justice qui s’envole.
ll avait déclaré en 2018, sur une chaîne de télévision allemande qu’il « ne regrettait pas« sa participation au massacre d’Ascq, en 1944. L’ancien SS Karl Münter devait être jugé devant une cour pénale allemande pour avoir tenu des propos négationnistes. Il est décédé vendredi de mort naturelle.
La porte-parole du parquet de Hildesheim, en Basse-Saxe, Christina Pannek, a déclaré que sa mort éteignait la procédure engagée contre lui par les familles de victimes. Marguerite Beghin est la fille d’une victime du massacre de d’Ascq. Son père a été fusillé alors qu’il avait 31 ans. Elle, en avait sept à l’époque. Elle a accueilli l’annonce de la mort de Karl Münter avec déception et amertume : « On sait maintenant que la justice ne passera pas. Comme ce Karl Münter s’est soustrait à la justice en 1949, je le considère comme un lâche. J’espérais, et d’autres avec moi, que la justice pourrait passer ».
« On aurait aimé avoir un procès en Allemagne »
Jacqueline Duhem, historienne spécialiste du massacre d’Ascq et auteure d’ouvrages sur la question, regrette qu’on enlève une tribune aux descendants de victimes : « on aurait aimé avoir un procès en Allemagne, non pas pour se venger (…) mais justement pour dire «voilà ce qu’il s’est passé, ne croyez pas Karl Münter, ne croyez pas les néonazis». »
L’ancien SS avait cautionné le massacre de 86 victimes civiles d’Ascq. Interrogé par ARD pour savoir s’il regrettait ces événements, l’intéressé, affirmant n’avoir pas directement participé à la tuerie mais avoir surveillé les personnes arrêtées, avait répondu: « Non pas du tout! Pourquoi devrais-je regretter?« . « Si j’arrête des gens, je suis responsable d’eux. Et s’ils tentent de fuir j’ai le droit de tirer sur eux« , avait-il ajouté.
Ces propos avait suscité l’indignation en France notamment. Le massacre avait été commis dans la nuit du 1er au 2 avril 1944 en représailles au déraillement d’un train transportant environ 350 SS.
Pour les descendants de victimes, c’est également une déception. Alexandre Delezenne, Calaisien et arrière-petit-fils d’une victime du massacre de 1944 témoigne : « Karl Münter est mort. S’il échappe à la justice des hommes, espérons qu’il n’échappera pas à la justice divine. La justice n’est pas la vengeance. Ce combat que j’ai mené est un combat pour l’honneur, et les massacrés d’Ascq vivront toujours dans nos coeurs » . Avec sa mort, c’est l’histoire qui est privée du dernier procès d’un criminel de guerre nazi.
Un « héros » pour les néonazis
Le procès qui devait se tenir en Allemagne, sous réserve de l’état de santé de l’accusé, était une revanche pour les descendants des victimes. Car la justice allemande avait en mars 2018 abandonné des poursuites pour son rôle direct en 1944, arguant du fait que l’intéressé avait déjà été condamné par un tribunal militaire en France en 1949 et qu’il ne pouvait être jugé une seconde fois.
Karl Münter n’a en Allemagne jamais vu cette peine exécutée et a pu poursuivre sa vie comme employé de poste. Jusqu’au bout il a gardé des sympathies avec l’idéologie nazie. Selon ARD, il a participé en novembre 2018 à une réunion du parti néonazi allemand NPD en Thuringe, pour y parler en tant que « témoin de l’époque » et signer des photos de lui. Il était considéré comme un « héros » au sein de cette mouvance, selon la chaîne allemande.
Karl Münter et la justice en sept dates
1944 : Le massacre d’Ascq
Dans la nuit du 1er au 2 avril, des résistants font dérailler un train qui transportait des SS; Aucun soldat n’a été blessé mais en représaille, 86 hommes, de 15 à 76 ans sont exécutés sommairement dans les rues. Karl Münter a participé à ce massacre
1949 : condamnation à mort
Un tribunal militaire français condamne Karl Münter à la peine de mort. Le procès se déroule par contumace, c’est à dire en l’absence du prévenu. L’ancien SS ayant pris la fuite, il n’a jamais été emprisonné et a vécu dans le nord-ouest de l’Allemagne, où il travaillait à la Poste.
2016 : perquisition à son domicile et mise en examen
En janvier, un procureur allemand accompagné de policiers viennent perquisitionner le domicile de Karl Münter et l’interrogent sur son rôle dans le massacre d’Ascq. Des policiers viendront même enquêter auprès des descendants de victimes, à Villeneuve d’Ascq
2018 : abandon des poursuites
En mars, le Parquet allemand annonce l’abandon des poursuites. Le suspect ayant déjà été condamné en 1949 pour sa participation au massacre, il ne pouvait être jugé une seconde fois pour ces même faits
novembre 2018 : propos négationnistes
le 29 novembre 2018, lors d’un entretien avec la chaîne publique allemande ARD, Karl Münter assure que le chiffre de 6 millions de Juifs morts est « exagéré ». Interrogé sur un éventuel regret par rapport aux victimes d’Ascq, il répondra : « Non pas du tout ! pourquoi je devrais regretter ? »
juillet 2019 : nouvelle poursuites pour ses propos négationnistes
Le Parquet allemand annonce engager des poursuites contre Karl Münter pour, « incitation à la haine raciale et atteinte à la mémoire des morts », suite à ses propos tenus sur la chaîne publique allemande sur ARD. Cette mise en accusation fait suite à la plainte des familles de victimes du massacre d’Ascq.
Septembre 2019 : mort de Karl Münter
Aujourd’hui, la mort de l’ancien SS enterre tout espoir de le voir comparaître à nouveau devant une cour de justice. Une déception pour les familles de victimes qui espéraient le voir s’expliquer sur le massacre d’Ascq devant une cour de justice.
Source france3-regions