Le plus ancien voyagiste du monde a échoué à trouver ce week-end les fonds nécessaires pour assurer sa survie. Il est déclaré en faillite et ses 600.000 clients en vacances dans le monde doivent être rapatriés. Les clients ayant acheté un séjour qu’ils n’ont pas encore utilisé auront droit à « un remboursement complet ».
Le voyagiste britannique Thomas Cook a annoncé sa faillite à l’aube, lundi 23 septembre, après l’échec d’un marathon de discussions avec ses créanciers et son actionnaire chinois Fosun. Il va entrer en « liquidation immédiate ».
Les autorités vont devoir organiser un rapatriement massif de quelque 600 000 touristes dans le monde, dont 150 000 pour le Royaume-Uni, deux fois plus que lors de la faillite de la compagnie aérienne britannique Monarch il y a deux ans, soit l’opération la plus importante pour des civils depuis la deuxième guerre mondiale.
« Malgré des efforts considérables, les discussions entre les différentes parties prenantes du groupe et de nouvelles sources de financement possibles n’ont pas débouché sur un accord. Le conseil d’administration a donc conclu qu’il n’avait d’autre choix que de prendre les mesures pour entrer en liquidation judiciaire avec effet immédiat », explique le communiqué.
Le patron du voyagiste, Peter Fankhauser, a souligné que « bien qu’un accord ait été déjà largement approuvé, une requête pour des fonds supplémentaires ces derniers jours a présenté une difficulté qui s’est révélée insurmontable ». « C’est un profond regret pour le conseil d’administration et moi de ne pas avoir réussi. Je tiens à m’excuser auprès de nos millions de clients, nos milliers d’employés, fournisseurs et partenaires qui nous soutiennent depuis des années », ajoute-t-il, déplorant aussi un « jour profondément triste pour une entreprise pionnière du voyage organisé ».
L’actionnaire « déçu »
« Fosun est déçu que Thomas Cook Group n’ait pas été en mesure de trouver une solution viable pour sa proposition de recapitalisation », a fait savoir Fosun dans un communiqué.
En parallèle, l’autorité britannique de l’aviation a déclaré que le groupe Thomas Cook, «tour opérateur et compagnie d’aviation à la foi s, a cessé ses activités avec effet immédiat. Toutes les réservations Thomas Cook, vols et séjours, sont désormais annulées. »
Le tour-opérateur indépendant le plus vieux du monde met ainsi fin à près de deux siècles d’activité. Environ 22 000 employés du groupe vont perdre immédiatement leur emploi, dont 9 000 au Royaume-Uni. D’après la chaîne Sky News, le voyagiste devrait retenir les cabinets AlixParners et KPMG pour gérer sa dissolution ou sa restructuration.
Cessation d’activité immédiate
Une source proche du dossier avait déjà prévenu samedi que, sans accord, la société cesserait d’exister immédiatement et que des administrateurs tenteraient de sauver « les parties du groupe qui peuvent l’être » pour que les créanciers retrouvent un peu de leur mise.
Quant aux actionnaires, ils perdent tout. Le titre du groupe avait fondu ces derniers mois à mesure que les problèmes de Thomas Cook s’amplifiaient ; il ne valait plus que quelques pence dimanche.
Le pionnier des tour-opérateurs, très lourdement endetté, a vu son horizon s’assombrir ces dernières années à cause de la concurrence acharnée des sites Internet de voyage à bas prix et de la frilosité de touristes inquiets du Brexit notamment. Il avait annoncé une perte abyssale de 1,5 milliard de livres (1,7 milliard d’euros) pour le premier semestre, pour un chiffre d’affaires de quelque 10 milliards de livres.
Son destin s’est joué en quelques jours : des créanciers lui ont récemment demandé de trouver 200 millions de livres de financements supplémentaires pour qu’un plan de sauvetage déjà accepté de 900 millions de livres et mené par le groupe chinois Fosun, premier actionnaire, soit validé.
Pas de nouvel investisseur
D’après certains créanciers du groupe, qui comprend notamment RBS, Barclays et Lloyds, le voyagiste n’aurait survécu qu’un an de plus environ sans les fonds supplémentaires. Les réunions se sont enchaînées tout le week-end pour tenter de trouver un investisseur privé auprès de fonds spéculatifs ou d’investissements, ou auprès du gouvernement, en vain.
L’affaire a pris un tournant volontiers politique d’autant que la banque RBS a elle-même été sauvée par le gouvernement à grands frais après la crise financière de 2008.
« C’est un imbroglio qui aurait pu être évité. Les ministres doivent aller de l’avant et prendre leurs responsabilités pour venir en aide aux passagers et aux employés », s’est indigné Brian Strutton, secrétaire général du syndicat de pilotes de British Airways Balpa, ajoutant que le gouvernement n’avait pas tiré les conclusions de la faillite de la compagnie Monarch il y a deux ans.
Onde de choc
La faillite devrait créer une onde de choc dans le tourisme européen. Tout au long du week-end, des clients, angoissés de savoir comment ils allaient rentrer chez eux, ont déversé leurs frustrations sur les réseaux sociaux. Sans parler de ceux qui, comme cette Britannique, ont dépensé des fortunes pour un voyage de rêve à venir. Chloe Hardy devait se marier en Grèce début octobre. A cette occasion, sa famille, son fiancé et elle ont dépensé 45 000 livres, affirme-t-elle. « On ne sait pas si on pourra voler et encore moins se marier comme prévu. Nos familles, amis et nous sommes dévastés », a-t-elle confié à l’AFP.