Pendant 70 ans, il était bien gardé dans un coffre-fort à New York, mais dans quelques jours, le journal secret de Renia Spiegel sera révélé au grand public, en version anglaise.
Dans ce document, la jeune polonaise raconte sa vie de 15 à 18 ans, cachée des Nazis durant la Deuxième guerre mondiale. Son journal est un récit bouleversant qui n’est pas sans rappeler le célèbre journal d’Anne Frank.
La sœur de Renia, Elizabeth (née Ariana), n’a jamais pu se résoudre à lire le journal. La survivante de l’Holocauste a donc décidé de le déposer dans un coffre-fort à la banque. Ce n’est qu’en 2012 que sa fille, Alexandra Bellak, a entrepris des démarches pour le faire traduire en anglais et ainsi le partager avec le monde entier. Le journal sera finalement publié le 19 septembre par la maison d’édition Penguin Random House.
Une aspirante poète emportée par la violence de la guerre
Le récit de Renia, qui fait près de 700 pages, commence en janvier 1939, alors qu’elle est âgée de 15 ans. Elle rêve alors de devenir poète. Mais elle est juive, elle vit en Pologne et c’est le début de la guerre.
Lorsque les Russes et les Allemands envahissent son pays, son monde éclate en morceaux. Séparées de leur mère Róża, sa sœur et elle fuient leur ville natale de Przemysl pour échapper aux bombardements incessants.
« Peu importe où je regarde, c’est le carnage. Des pogroms terribles. Il y a des assassinats, des meurtres […] Seigneur dieu, laisse-nous vivre, je t’en supplie, je veux vivre! J’ai tellement peu vécu. Je ne veux pas mourir. J’ai peur de la mort. C’est tellement stupide, insignifiant, médiocre, petit. Aujourd’hui, je m’inquiète d’être peu présentable ; demain, je ne pourrais peut-être plus jamais penser. » Extrait du journal de Renia Spiegle, le 7 juin 1942.
Quelques années plus tard, alors qu’elle est de retour à Przemysl, les Nazis créent un ghetto entouré de barbelés dans lequel ils forcent 20 000 juifs à s’entasser. Le 15 juillet 1942, elle écrit : Rappelez-vous de cette journée; rappelez-vous en bien. Vous allez en parler pour des générations à venir. Depuis 8 h ce matin, nous sommes isolés dans ce ghetto. Je vis ici maintenant. Le monde est séparé de moi et je suis séparée du monde.
Trouver du beau même dans l’horreur
Parallèlement aux histoires d’horreur, le récit renferme beaucoup de beauté. La jeune Renia réussit à s’émerveiller et commence à découvrir sa voix comme écrivaine. Elle trouvera même le temps de tomber en amour pour la première fois, avec un jeune homme du nom de Zygmunt Schwarzer. Son idylle sera toutefois de courte durée. Le 30 juillet 1942, Renia est abattue par les Nazis, qui trouvent sa cachette, quelques heures seulement après avoir échangé un premier baiser avec son copain.
C’est d’ailleurs lui qui a écrit le dernier passage du journal : Trois coups de feu! Trois vie de perdues! Tout ce que je peux entendre, c’est des coups de feu.
Il réussit à récupérer le manuscrit et à le confier à un proche, avant d’être déporté à Auschwitz. Il survit à la guerre et décide de s’installer aux États-Unis. En 1950, il trouve le moyen de rendre le journal à Elizabeth et Róża, la sœur et la mère de Renia qui vivaient toutes deux à New York.
Une âme profonde et mature
En entrevue avec la BBC, Alexandra Bellack a affirmé avoir été bouleversée par la lecture du récit de sa défunte tante. C’est après avoir lu son journal que j’ai pu saisir toute l’étendue, la profondeur et la maturité de cette belle âme
, raconte-t-elle
Elle affirme aussi que sa mère, maintenant âgée de 87 ans, n’a toujours pas lu le manuscrit dans son entièreté. Elle ajoute que les commentaires qu’elle reçoit des gens qui ont lu le journal sont formidables. Des plus jeunes aux plus vieux, ils font l’éloge de la qualité remarquable de l’écriture, du désir de retrouver une vie normale.