L’enseigne américaine créée par Donald et Doris Fisher, grands donateurs de la communauté juive de San Francisco, s’apprête à quitter son emplacement phare de l’avenue des Champs-Elysées : c’est la fin d’un mythe.
Donald Fisher a créé Gap avec son épouse Doris Feigenbaum, à la fin des années 60 : vêtements pour les jeunes, prix pour les jeunes. Les Fisher, ont toujours été des membres très actifs de la communauté juive de San Francisco, ont longtemps fait partie de la congrégation Emanu El, et sont de grands donateurs de la communauté juive américaine. Donald est mort en 2009, et aujourd’hui ce sont leurs fils qui sont à la tête de l’empire qu’ils ont créé.
Gap réduit la voilure en France. L’enseigne américaine d’habillement est en train de procéder à la fermeture de 8 de ses 28 points de vente en France. Après avoir fermé son magasin de Créteil-Soleil fin août, la chaîne va faire de même avec trois adresses parisiennes, rue de Rivoli, dans le centre commercial du passage du Havre, près de la gare Saint-Lazare, et boulevard Saint-Michel à proximité de la Sorbonne, fin septembre. Puis, ce sera au tour du point de vente du centre commercial des 4-Temps, à La Défense, de tirer le rideau, fin octobre.
Début 2020, les magasins parisiens de la rue Saint-Denis, du boulevard des Capucines et de l’avenue des Champs-Elysées fermeront à leur tour, selon le calendrier fourni aux instances représentatives du personnel. L’enseigne abandonnera alors un emplacement- clé qu’elle avait obtenu à grands frais et ouvert en grande pompe il y a vingt ans, au 36, de l’avenue, sur 1 700 m², à la place de l’ancien magasin de tissus Rodin.
Ce programme de fermetures relève d’un plan de restructuration annoncé en février, explique la direction de l’enseigne. Art Peck, son PDG, avait alors annoncé vouloir scinder le groupe, Gap Inc., en deux unités, en distinguant The Old Navy, son magasin d’habillement bon marché, de ses chaînes Gap, Banana Republic, Athleta et Hill City. Ce projet de scission, dont les détails doivent être présentés, jeudi 12 septembre à New York, s’accompagne de mesures drastiques de réduction de coûts comprenant la fermeture de 230 magasins dans le monde dans les deux ans. L’opération doit, à terme, générer 90 millions de dollars (82 millions d’euros) d’économies par an.
Le groupe de San Francisco espère ainsi se relancer et améliorer sa rentabilité. En 2018, dans ses 3 666 magasins, les ventes ont stagné, atteignant 16,6 milliards de dollars sur l’exercice clos en février 2019. Celles de son enseigne historique se sont repliées de 5 %. Et l’année a fort mal débuté : le chiffre d’affaires a chuté de respectivement 10 % et 7 %, au cours des deux premiers trimestres de l’exercice 2019.
Concurrence des prix
Les difficultés du groupe, fondé en 1969 par Doris et Don Fischer, ne datent pas d’hier. Dans les années 2000, l’enseigne, connue pour ses jeans et ses sweat-shirts, n’est pas parvenue à résister à la concurrence des prix du suédois H&M et de l’espagnol Inditex connu pour ses magasins Zara. Puis, plus récemment, Primark, gros fabricant de jeans, lui a fait du tort. La vente en ligne de mode, notamment par Amazon, lui a aussi compliqué la tâche partout dans le monde.
Présent dans 44 pays, Gap a déjà procédé à un gros toilettage de son réseau en Europe. L’enseigne a quitté l’Espagne. Son parc de magasins au Royaume-Uni (60 boutiques environ) et en Italie (10 points de vente) serait aussi désormais sur la sellette, selon des sources syndicales. Interrogée à ce sujet, la direction de l’enseigne n’a pas souhaité commenter ces informations. Gap pourrait fermer son magasin de Milan, ouvert en 2010 sur 3 400 m².
En France, plusieurs magasins ont fermé voilà deux ans, dont celui de Strasbourg. Les quelque 650 employés de la filiale française s’inquiètent de cette nouvelle salve de fermetures de magasins. Toutefois, la chute de cette star de la distribution des années 1990 ne les surprend guère. « La marque a été délaissée. Les magasins français sont hyper vieillots. Et la vente en ligne n’est quasiment pas opérationnelle », déplore une employée.
Suppression de 250 emplois
La fermeture de ces magasins devrait entraîner la suppression de 250 emplois. Les élus syndicaux ont négocié avec la direction de l’enseigne américaine pour obtenir des mesures d’accompagnement lors de leur licenciement. En interne, les équipes s’interrogent cependant sur l’avenir de la marque et sa viabilité en France. Car, à l’issue de ce plan de fermetures, Gap n’exploitera plus qu’une quinzaine de magasins en Ile-de-France et une poignée en province, notamment à Lille et à Lyon. Faut-il y voir le présage d’une sortie de l’Hexagone ? « Nous continuons à nous concentrer sur le développement d’une activité rentable et durable sur le marché », assure la direction de la communication en France et en Italie.
L’américain n’est pas le seul distributeur de mode à réduire sa présence dans l’Hexagone. Plusieurs enseignes, dont la néerlandaise C & A, ont annoncé fermer des magasins. Toutes tentent d’adapter leur réseau à la très mauvaise santé du marché français de l’habillement. Les ventes de vêtements sont en recul de 1,3 % sur les sept premiers mois de 2019, selon l’Institut français de la mode. La crise sévit depuis plus de dix ans. Entre 2007 et fin 2018, le marché a perdu 15 % de chiffre d’affaires.