En 2014, Anne Hidalgo avait promis qu’avec elle les Parisiens pourraient plus facilement se loger. Ses efforts n’ont pas suffi : le marché immobilier est plus fort que le volontarisme politique.
Plus de 10 000 euros le mètre carré ! Le prix stratosphérique atteint en moyenne par les logements anciens à Paris fait la joie des propriétaires qui ne cessent de s’enrichir, et de ceux qui y voient une conséquence de l’attractivité de Paris. Mais aux yeux de nombre de Parisiens, il marque plutôt un échec, celui de la politique menée par la Mairie en matière de logement. Ou au moins un constat d’impuissance. Malgré le volontarisme affiché par les élus, le marché l’a emporté. Et contrairement à ce que prônaient les ambitions initiales, il devient de plus en plus difficile de se loger dans la capitale.
Le sujet fait déjà partie des dossiers au cœur de la campagne pour les prochaines élections municipales, en mars 2020. « Dans le bilan d’Anne Hidalgo, il y a du positif, mais aussi du très négatif, à commencer par la spéculation immobilière qu’elle a laissé filer », juge ainsi son allié écologiste David Belliard, qui dirigera les listes Europe Ecologie-Les Verts au premier tour. La République en marche (LRM) et la droite classique comptent également attaquer la maire socialiste sur le sujet, tout en avançant prudemment tant la question est complexe : peut-on vraiment contrer les forces du marché immobilier ?
« Nous avons fait le maximum »
« En fait, nous avons fait le maximum, plaide-t-on à l’Hôtel de ville. Il n’y a que deux leviers que nous n’avons pas pu actionner, parce que l’Etat nous a mis des bâtons dans les roues : la lutte judiciaire contre les excès d’Airbnb et l’interdiction des résidences secondaires inoccupées. » Les élus estiment avoir obtenu de vrais succès en matière de lutte contre l’habitat insalubre, d’hébergement des sans-abri, et de maintien d’une certaine mixité sociale. « Mais bloquer les prix, ça, c’est difficile… »
En 2014, lors de la campagne précédente, Anne Hidalgo avait hissé le logement au rang de « priorité des priorités » et fixé un horizon : « Je veux qu’en 2020 les Parisiens puissent plus facilement se loger selon leurs besoins », et en particulier « entrer dans un logement plus grand quand leur famille s’agrandit ». Cet objectif n’a clairement pas été atteint. Les prix d’achat dans le neuf comme dans l’ancien se sont envolés. Les loyers dans le parc privé ont eux aussi bondi. Et de plus en plus d’appartements sont destinés aux touristes par l’intermédiaire de sites comme Airbnb.
Résultat, les Parisiens ont plus de mal à se loger. La ville perd chaque année environ 12 000 habitants, notamment des familles qui voient arriver un premier ou un deuxième enfant. « Paris, troisième ville la plus chère du monde, expulse les classes moyennes et les familles de ses murs », se désole Jérôme Dubus, un élu LRM de Paris.
Anne Hidalgo avait promis, en 2014, de provoquer « un véritable choc sur le marché du logement », qui aurait pu détendre les prix. Elle entendait « accélérer la construction de logements dans Paris » en en créant « 10 000 par an ». En réalité, le nombre de nouveaux logements autorisés est resté stable, autour de 4 000 à 5 000 par an. Les terrains libres sont rares et, d’année en année, la pression devient plus forte pour laisser la place à des espaces verts.
« Astuce de communication »
L’édile socialiste et son adjoint au logement, le communiste Ian Brossat, s’étaient fixé un autre but : passer de 19 % de logements sociaux en 2014 à 22 % en 2020 et 30 % en 2030, avec un effort particulier dans l’ouest de Paris. Sur ce plan, la Mairie s’estime en bonne voie, grâce à la « production » de plus de 7 000 logements sociaux par an, « qui bénéficient aux Parisiens à faibles revenus et de classes moyennes ».
Cependant, l’opposition dénonce un trompe-l’œil : depuis 2001, seule la moitié de cette production correspond à des constructions neuves. Pour le reste, il s’agit soit d’appartements privés préemptés par la Ville, parfois à prix élevé, soit de logements du parc public déjà occupés, et qui font l’objet d’une convention les transformant en logements sociaux. « Ce ne sont donc pas des appartements supplémentaires », mais « une astuce de communication », critique le député (Agir) du 18e arrondissement, Pierre-Yves Bournazel.
En tout état de cause, le parc social de la Ville de Paris reste très insuffisant par rapport à la demande. En 2017, à peine 11 000 logements sociaux ont été attribués à Paris pour… plus de 240 000 demandes ! L’écart est d’autant plus fort que ceux qui bénéficient de ces habitations bon marché ne les lâchent pas facilement. Seuls 4 % des logements changent d’occupants chaque année. Avec des cas extrêmes, comme celui de l’ancienne préfète de Loire-Atlantique qui a profité d’un logement social parisien durant plus d’une décennie… alors qu’elle était nommée ailleurs. Ou ceux de ces centaines de Parisiens qui sous-louent leurs HLM sur Airbnb, au mépris de la loi.
Anne Hidalgo et Ian Brossat ont aussi rencontré des difficultés pour le parc privé. Alors qu’ils avaient obtenu que l’Etat autorise un encadrement des loyers à partir de 2015, ce dispositif a été annulé par la justice en 2017. Il a fallu une loi, puis des arrêtés, pour que les loyers des appartements parisiens soient de nouveau encadrés, depuis le 1er juillet 2019. Cela devrait calmer la hausse. Au moins pendant cinq ans, durée prévue de l’expérimentation.
Ce n’est pas le seul échec de’Anne Hidalgo : il faut aussi lire cet article de Capital, « Anne Hidalgo flambe, il n’y a pas que les parisiens qui trinquent ».