En Normandie puis en Provence, les Alliés ont déjà débarqué, mais, en ce mois d’août 1944, une grande partie de la France reste sous occupation allemande. À Villeurbanne, des Résistants portés par la population vont prendre presque malgré eux le contrôle de la ville.
Deux mois après avoir débarqué en Normandie, les Alliés se déploient en Provence et remontent le Rhône. Dans l’agglomération lyonnaise, occupée par les nazis depuis fin 1942, l’ambiance est très tendue, les accrochages entre les Allemands, la police vichyste et la Résistance sont quotidiens.
C’est dans ce climat que va se tenir l’insurrection de Villeurbanne, trois jours durant lesquels la ville et certains quartiers lyonnais limitrophes vont totalement échapper au contrôle allemand.
Des résistants juifs, étrangers, communistes
Jeudi 24 août au petit matin, un groupe de résistants se réunit au Tonkin, rue Son-Tay (aujourd’hui rue Louis-Malle), à deux pas du parc de la Tête-d’or. Ils sont près de quatre-vingt, membres de « Carmagnole », branche lyonnaise des Francs-tireurs et partisans – Main-d’œuvre immigrée (FTP-MOI), et de l’Union des juifs pour la résistance et l’entraide.
Juifs, étrangers, communistes – et bien souvent les trois à la fois – ils veulent aller libérer leurs camarades des prisons lyonnaises de Saint-Paul et Saint-Joseph.
Pour cela, les FTP-MOI et l’UJRE projettent de voler des camions dans un garage de la préfecture situé à Villeurbanne. La Libération est proche et semble donner des ailes aux résistants qui manquent un peu de discrétion. Repérés, puis pris pour cible par la Wehrmacht, ils ripostent et un combat de rue s’engage.
À l’apparition de blindés, les combattants des FTP-MOI et de l’UJRE, assez peu armés, sont obligés de se replier. Menant le groupe, Henri Krischer dit « capitaine Lamiral » , un Juif originaire de Pologne, se dirige alors vers le centre de Villeurbanne. De leur côté, surestimant la force de leurs assaillants, les nazis ne les pourchassent pas. Les résistants s’en tirent avec un mort, contre huit côté allemand.
Dans les rues de Villeurbanne, au passage des résistants, la population croit voir défiler des maquisards venus libérer la ville. « Vive de Gaulle ! À mort les Boches ! ». Trop heureux d’entrevoir la fin de l’occupation, ce sont des centaines de Villeurbannais qui se joignent à la troupe.
Arrivés à la mairie, les résistants congédient le conseil municipal et prennent possession des lieux. Dehors, la foule, de plus en plus nombreuse, veut participer et réclame des armes. Certains gendarmes et policiers rejoignent d’eux-mêmes la « France libre ».
« J’étais parti pour libérer des prisonniers et je me retrouve à la tête d’une mini-insurrection », témoignera plus tard Henri Krischer, qui craint une attaque allemande. « Il y avait un enthousiasme que rien ne pouvait ébranler, confirmera Philippe Daudy dit « Frédéric », autre membre des FTP-MOI, cette foule guerrière et joyeuse voulait absolument faire quelque chose tout de suite. »
Des barricades dans toute la ville
Mis devant le fait accompli, Gheorge Grünfled, dit « commandant Lefort » et juif lui aussi, le responsable interrégional des FTP-MOI, donne l’ordre de tenir la ville puis décide d’installer son QG à la mairie. Les résistants vont donc tenter de gérer l’influx de volontaires et d’organiser l’insurrection naissante.
Afin de protéger le centre-ville, des barricades de fortune sont érigées autour de la mairie et sur certains grands axes comme la place des Maisons-neuves.
Les Allemands ne restent bien sûr pas les bras croisés. Des véhicules blindés sont envoyés à Villeurbanne. Mais que ce soit sur la place des Maisons-neuves ou sur le cours Émile-Zola près de la rue Michel-Servet, ils font demi-tour dès qu’ils sentent une résistance. Heureusement pour les insurgés qui ne sont toujours pas très armés – quelques fusils-mitrailleurs au mieux.
Avec la nuit, les leaders de l’insurrection se réunissent. Il faut à la fois renforcer les barricades et obtenir du renfort. Un télégramme est envoyé aux responsables des maquis de la région : « Guérillas déclenchées Lyon avec armement dérisoire. Effectif allemand Rhône faible. Possibilités illimitées si armement envoyé d’urgence. »
Dans L’insurrection de Villeurbanne a-t-elle eu lieu ? (1994, Presses universitaires de Grenoble), l’historien Claude Collin détaille avec précision cet épisode. La plupart des faits relatés dans cet article sont issus de son ouvrage.