Rencontre avec Albert Koski, le pionnier des producteurs de concerts de stars à Paris, qui a côtoyé les plus grands. Une galerie rend hommage à ce personnage de roman.
Qui peut réunir à son vernissage Brigitte Macron, Roman Polanski et Emmanuelle Seigner, la « china girl » de David Bowie et Iggy Pop, et toute la critique rock parisienne ? C’est une exposition et un homme pas comme les autres, Albert Koski. Tout l’été, la galerie parisienne Sylvia Rielle expose des affiches, des pass backstage et des tickets de concerts en grand format ayant tous été organisés entre 1972 et 1987 par Albert Koski et la société de production KCP, dont il était le K. Soit la crème du rock et de la pop des années 1970 et 80 qu’il a fait découvrir à la jeunesse française : les Rolling Stones, Pink Floyd, les Kinks, Bruce Springsteen, Eric Clapton, AC/DC, The Who, Kate Bush, Bob Dylan Led Zeppelin, Leonard Cohen, Patti Smith, Lou Reed…
Pour résumer l’affaire, c’est Albert Koski qui a importé en France les grands shows internationaux que l’on connaît aujourd’hui. Et c’est la première fois que ce producteur sort de l’ombre pour raconter son histoire. Une histoire à tomber par terre. Une vie digne d’un film qu’il raconte dans les bureaux parisiens qu’il partage avec sa compagne, la réalisatrice Danièle Thompson. « J’ai été marié trois fois avant de rencontrer Danièle, en 1975 dans un concert parisien de Gilberto Gil. Nous ne sommes pas mariés, mais nous vivons ensemble depuis 44 ans ! »
Miraculé de la Shoah
Albert Koski est un miraculé. « Je suis né sur le quai de gare de Bialystok, en Pologne, dans un train en partance pour les camps de concentration, confie-t-il. Être juif en Pologne, c’était comme être noir dans le Mississippi. Mais nous en avons tous réchappé grâce à ma mère. Elle a sauvé mon père, enterré vivant, juste avant qu’il ne soit exécuté par les Nazis. Moi, ce sont les grenades, les fruits, qui m’ont permis de survivre. À la fin de la guerre, nous étions vivants mais nous n’avions plus rien. »
Aisée du côté maternel, religieuse du côté paternel, la famille Koski est devenue nomade. L’après-guerre l’a fait migrer en Autriche, en Allemagne puis en France, en 1947. La famille de son père les a accueillis, la communauté juive leur a donné un coup de main. Dans les années 1960, débrouillard et beau gosse, Albert est parti travailler à New York, s’est marié avec une dessinatrice, s’est fait naturaliser, a traîné avec Steve McQueen à Los Angeles. Il a été agent de photographes pendant dix ans, entre Paris, Tokyo et Londres, où il a côtoyé Mick Jagger à Londres.
De retour à Paris dans les années 1970, il se lance dans la production de concerts. Jusqu’à 1 300 concerts par an. « J’avais commencé à m’intéresser au sujet en Angleterre, en suivant pendant un mois et demi la star de l’époque, Marc Bolan (NDLR : aussi connu sur le nom de T-Rex). À part quelques festivals et l’Olympia, il n’y avait rien en France pour accueillir les grandes stars anglo-saxonnes. Il fallait tout inventer. À cause de soucis de billetterie, les manageurs étrangers ne voulaient plus faire jouer leurs artistes en France. »
Une galerie d’art pendant vingt ans
Sur le site des abattoirs de la Villette, porte de Pantin, il a créé le fameux Pavillon de Paris et l’a aménagé pour accueillir jusqu’à 10 000 spectateurs. « Mon premier concert, ce sont les Temptations à la salle Pleyel, fin 1972. Au Pavillon de Paris, c’était plus rock. J’ai commencé en faisant jouer America et Neil Young. C’était génial, ce concert, les gens devenaient fous. J’utilisais aussi le Palais des Sports. En 1974, avec les frères Winter, ça avait duré quatre heures, tout le monde était torse nu. C’était insensé. »
Cheveux toujours longs, teint hâlé, sourire ravageur, le fringant septuagénaire part souvent dans un rire tonitruant lorsqu’il raconte « Lily Passion » avec Barbara et Gérard Depardieu ou « Emilie Jolie ». Il a arrêté en 1987. « J’ai été dénoncé au fisc par un autre producteur de spectacles français. Heureusement, j’avais acheté quelques tableaux, dont des Basquiat. Alors je me suis mis dans l’art, j’ai eu une galerie pendant vingt ans. » Puis il a produit les films de sa compagne. « Mais produire des concerts, c’est quelque chose de sublime, car ça peut aller de la catastrophe à l’événement le plus inoubliable. Je n’ai jamais connu plus excitant. »
Exposition KCP à l’Espace Sylvia-Rielle, 10, place des Vosges, Paris IVe, ouverte tous les jours de 11 heures à 20 heures ; entrée libre. Jusqu’au 31 août.