L’éditeur du site néonazi Daily Stormer a été condamné pour la seconde fois depuis juin à payer plusieurs millions de dommages et intérêts pour ses campagnes racistes et antisémites.
Frapper au portefeuille aura-t-il un impact sur les sites de contenus haineux ? Aux Etats-Unis, un juge fédéral a condamné l’éditeur d’un site néonazi à verser plus de 14 millions de dollars à une femme victime d’une campagne de harcèlement antisémite et de menaces.
Cette condamnation (PDF), rapportée par le SPL Center, une association de défense des droits civils et de surveillance de l’extrême droite, a été prononcée le 8 août. Elle sanctionne Andrew Anglin, suprémaciste blanc et éditeur du site néonazi Daily Stormer. Il devra verser des dommages et intérêts à Tanya Gersh, une juive Américaine du Montana. Son avocat juif, Jay Marshall Wolman, a n’a pas suffi à éviter cette condamnation
Cette dernière a commenté : Ce n’est pas une victoire seulement pour moi, ma famille et ma communauté, mais aussi pour tous ceux qui ont été harcelés, terrorisés et brutalisés. […] N’ayez pas peur de faire face à la haine et ne laissez pas les gens haineux définir qui vous êtes. Nous ne les laisserons pas gagner.
Harcèlement antisémite
En 2017, le SPLC avait déposé une plainte en justice à l’échelon fédéral, pour Tanya Gersh, et en parallèle avec un cabinet d’avocats. La plainte exposait comment le site néonazi a consacré 30 articles pour inciter les abonnés d’Andrew Anglin à lancer une campagne contre Tanya Gersh, ce qu’il appelait « une tempête de trollage ». Il prétendait qu’elle s’en était prise à la mère du néonazi américain Richard Spencer.
Tanya Gersh, son mari et leur fils qui avait alors 12 ans, ont reçu plus de 700 messages de harcèlement entre décembre 2016 et avril 2017, au moment du dépôt de la plainte. Elle a continué à recevoir des messages de menaces dans les deux ans et demi qui ont suivi.
Début 2017 Anglin avait par exemple envisagé une marche qui se serait terminée devant le domicile de Gersh, et il l’a représentée avec un montage photo surimposant Gersh, son fils, et deux autres habitants juifs de sa ville à l’entrée du camp d’Auschwitz.
En mai 2018, un juge a ordonné la poursuite de l’action en justice, rejetant l’argument d’Anglin selon lequel sa campagne antisémite était protégée par le Premier amendement de la Constitution (derrière lequel s’abritent de longue date les sites extrémistes aux Etats-Unis).
La juge a estimé en juillet qu’outre un peu plus de 4 millions de dollars de dommages et intérêts pour ce qu’elle et sa famille ont enduré, Tanya Gersh a droit en plus à 10 millions de dollars « de dommages-intérêts punitifs », compte tenu de la malveillance particulière dont a fait preuve Anglin. La décision de justice indique :
« Ayant considéré les facteurs établis par le Code du Montana […], dont la nature particulièrement flagrante et répréhensible du comportement d’Anglin, la Cour estime qu’une indemnité de 10 millions de dollars à titre de dommages-intérêts punitifs est justifiée, pour sanctionner Anglin et le dissuader de se livrer à de tels actes à l’avenir. »
En outre, Anglin doit retirer de son site tous les textes incitant ses lecteurs à contacter Tanya Gersh et ses proches, y compris les photos et images de la famille et les commentaires les accompagnant.
Deux autres condamnations
Le lendemain de cette première décision, un autre tribunal a condamné Anglin à payer 700 000 dollars à une autre de ses victimes de campagne de harcèlement : Taylor Dumpson, qui avait été élue présidente étudiante de l’Université américaine en 2017. Elle était la première femme afro-américaine à cette fonction de toute l’histoire de cette université.
En juin, Anglin avait également été condamné à payer 4,1 millions de dollars à Dean Obeidallah, un animateur de radio musulman, qu’il avait à tort accusé de terrorisme.
Reste à savoir comment ces sommes seront récupérées, Anglin demeurant hors des Etats-Unis selon NBC News. L’avocat du SPLC a affirmé qu’il mènera toutes les procédures possibles pour que le jugement soit exécuté, « que ce soit en cash, en biens matériels ou en propriété intellectuelle ».
Malgré des tentatives de blocage depuis 2017, le Daily Stormer a jusqu’à présent continué à sévir. Admirateur déclaré d’Hitler, Anglin a choisi en créant ce site web en 2013 un nom faisant référence à un journal nazi, le « Stürmer ». Son site précédent était encore plus clair : Total Fascism.