Dans la bibliothèque catholique Martinus, de la ville de Mayence, Leor Jacobi, un universitaire spécialiste de l’art juif à la fac israélienne de Bar-Ilan, a fait une sensationnelle découverte. Invité à examiner un livre de prières de Yom Kippour, il a découvert des rouleaux jamais encore catalogués — des versions du Livre d’Esther datant de 200 ans.
Vingt-et-unième livre de la Bible hébraïque, le Livre d’Esther raconte l’histoire de cette favorite du souverain Assuérus (Xerxès 1er), dont le grand vizir, Haman, cherchait à exterminer la population juive. Nous sommes alors au Ve siècle avant J.-C., en Perse. Sauvée in extremis, la population juive instaurera alors la fête de Pourim, pour consacrer l’action d’Assuérus.
Pour autant, aucun des faits relatés dans l’ouvrage ne semble tirer de véritables racines historiques — au contraire, les historiens pointeraient plutôt des contradictions avec les actuelles connaissances sur l’Empire perse. Qu’importe : les rouleaux qu’examine alors Leor Jacobi, présenté par Helmut Unikel, directeur de la bibliothèque, sont de véritables révélations.
Trois rouleaux exceptionnels, oubliés depuis 50 ans
Non seulement deux d’entre eux sont les versions ashkénazes du livre d’Esther, mais le troisième est une Bible samaritaine (ou Pentateuque samaritain) qui comprend les chapitres de l’Ancien Testament, relatif à la Genèse et à Noé.
Ils auraient tous les trois été achetés par le prêtre Nikolaus Adler, lors d’une visite en Israël dans les années 60, pour la somme de 25 $. Décédé en 1970, le prêtre avait laissé ce fonds à la bibliothèque, inconnu depuis ces 50 dernières années.
Intrigué, le directeur de la bibliothèque va alors mobiliser, avec Leor Jacobi, toutes les ressources pour que ces textes soient renvoyés en Israël, pour un dépôt à la bibliothèque nationale. Avec un cadeau inattendu : un quatrième rouleau qui n’est autre que le magnifique poème d’amour, Le Cantique des cantiques, que l’on lit dans les synagogues lors du shabbat de la Pâque juive.
Les rouleaux d’Esther rejoindront pour leur part la collection de 200 autres documents du XVe au XXe siècle de la bibliothèque nationale d’Israël — venus d’Europe, du Yémen, d’Iran, d’Irak ou encore du nord de l’Afrique. Quant au début de la Bible samaritaine, communauté religieuse pour qui le Mont Garizim est le véritable lieu saint, et non Jérusalem, il retrouvera pour sa part les huit autres manuscrits de la Torah datant du XIIIe au XXe siècle.