L’Allemande Nicole Rabany a trouvé sa voie en Israël, où elle est enseignante spécialisée. Installée depuis vingt ans dans le pays et convertie au judaïsme, elle déplore uniquement les tensions militaires qui émaillent son quotidien.
Je vis depuis vingt ans à Kfar Saba, une ville de 100 000 habitants dans le centre d’Israël, juste à la frontière avec la Cisjordanie. Tel-Aviv n’est qu’à 15 kilomètres. Mais tout le reste aussi est près. Le pays est petit. Pour aller sur les plages de la Méditerranée, on met vingt minutes en voiture. Pour partir en randonnée dans les montagnes de Haïfa, il faut une heure, pour faire du camping au lac de Tibériade, deux heures.
Mon mari, mes enfants et moi, nous menons une vie de famille juive tout ce qu’il y a de plus normale. Pendant le shabbat [le samedi, jour de repos en Israël], par exemple, il est interdit de se servir du feu : je prépare donc les repas du week-end à l’avance. Nous n’avons plus qu’à les réchauffer. Le shabbat commence le vendredi soir avec la prière du kiddouch [prière prononcée sur une coupe de vin casher]. La famille se réunit pour bénir le pain et le vin. Mais sinon, nous ne sommes pas particulièrement pratiquants. Nous n’allons pas à la synagogue pendant le shabbat.
Le conflit israélo-palestinien au quotidien
Je travaille comme enseignante [spécialisée]. Dans ma classe, j’ai huit enfants handicapés mentaux, qui ne savent pas parler. Six d’entre eux sont en fauteuil roulant. J’essaie de leur apprendre des choses utiles au quotidien : tenir une fourchette ou reconnaître les couleurs, par exemple.
Cette école est fréquentée par des enfants juifs et arabes. Le personnel aussi est mixte. L’infirmière qui s’occupe des élèves de ma classe est musulmane. Nous nous entendons super bien. Il y a plus de contacts entre les différentes religions que ne l’imaginent beaucoup d’Allemands.
Par exemple, nous aimons bien aller faire nos courses au marché de Tira, une ville arabe du coin. Les gens de là-bas, eux, viennent faire leurs courses au supermarché de Kfar Saba. Je n’y vois aucun problème. Cela dit, le conflit entre Israéliens et Palestiniens se fait sentir dans la vie quotidienne.
Toutes les maisons ont un bunker aménagé dans leur cave. Heureusement, nous vivons dans le centre d’Israël. Les roquettes lancées depuis la bande de Gaza arrivent rarement jusqu’à nous. Il y a une alerte une ou deux fois par an peut-être. Depuis le temps, je m’y suis habituée. Je me suis aussi habituée aux contrôles antiarmes devant les écoles et les boutiques.
Malheureusement, je crois qu’il y a peu de chances que les choses s’arrangent dans un avenir proche. Dans trois ans, mon fils aîné aura fini l’école et il devra faire son service militaire [obligatoire, pendant trois ans minimum]. C’est comme ça ici.
Convertie au judaïsme
La première fois que j’ai passé un certain temps en Israël, c’était pour faire un stage de six mois dans une école maternelle pour enfants handicapés. C’est à cette époque que j’ai rencontré mon mari. Je venais de finir la partie théorique de mes études de pédagogie spécialisée. Pendant mon stage en Israël, j’ai eu une réponse positive pour faire ma formation pratique en Allemagne.
Je suis rentrée pour suivre ces deux années de formation, mais je savais déjà que je voulais quitter l’Allemagne et me convertir au judaïsme – même si ce n’est pas une religion qui vous accueille à bras ouverts. Contrairement aux autres religions, il ne suffit pas de dire que l’on veut se convertir : il faut prouver que l’on a étudié le judaïsme.
J’ai donc suivi des cours sur la Torah et la religion. J’ai appris tout ce qu’il faut savoir sur les fêtes et les coutumes, et sur la façon de mener une vie de famille casher. Une fois de retour en Israël, j’ai passé mon examen, le giyur : trois rabbins m’ont interrogée pendant une demi-heure. Ensuite, j’ai vraiment senti que je pouvais poser mes valises. Pour moi, c’était important, mais ce n’est pas une obligation. J’ai une amie qui vient des Pays-Bas, et qui est restée chrétienne jusqu’à aujourd’hui.
J’ai aussi appris l’hébreu. Au début, je n’étais pas très à l’aise. C’est pour cela que j’ai commencé par travailler cinq ans dans une école maternelle [plutôt qu’en primaire ou au collège].
Une intégration réussie
Avec le temps, je me suis aperçue qu’ici les mentalités sont vraiment différentes des mentalités en Allemagne. Pour moi, c’est la principale différence. Les gens sont ouverts. Dans le bus ou le train, au bout de deux minutes, les gens discutent ensemble et partagent des choses à manger. Et puis j’aime ce mélange de moderne, de religieux et d’oriental.
Je vais en Allemagne avec ma famille tous les ans ou tous les deux ans. Nous rendons visite à ma mère. C’est surtout pour elle que nous y retournons. J’adore le Sauerbraten [rôti de bœuf à l’aigre-douce (plat traditionnel allemand)] avec des Klößen [quenelles en forme de boulettes] et le goulash qu’elle nous prépare. Autrement, rien ne me manque. Aujourd’hui, je me sens Israélienne.
Mais je remarque que j’ai gardé un petit quelque chose du cliché allemand : je suis très ponctuelle. Quand j’ai une réunion à l’école à 20 heures par exemple, je suis là cinq minutes avant et je suis la seule ! Même les responsables de l’école ne sont pas encore là. Mes collègues arrivent vers 20 h 30, voire plus tard. Mais moi, je ne peux pas faire autrement !