Le site en souvenir du sauvetage des enfants juifs cachés sur le plateau reçoit Gérard Garouste, peintre, graveur, et sculpteur français de renommée internationale, jusqu’au 29 septembre. Une exposition qui laissera perplexe plus d’un visiteur. Et c’est tout l’intérêt.
L’exposition s’appelle Gérard Garouste et L’École des prophètes , un parcours entre peinture et textes bibliques ?« Le Chambon-sur-Lignon, c’est aussi l’endroit où se sont retrouvés beaucoup d’intellectuels. Ils y ont créé l’École des prophètes, une sorte de lieu d’étude talmudique. Après la guerre, elle est devenue l’école juive d’Orsay à Paris, un haut lieu culturel pas particulièrement religieux, mais animé par des penseurs intéressés par l’éthique et la philosophie juives. On s’est dit que pour cette exposition, on pouvait faire le lien. »
Le retour du populisme en Europe vous inquiète ?
« Je ne suis pas un homme politique ni un écrivain. Je suis un peintre. Mon seul pouvoir c’est de faire des tableaux qui défendent mes idées. Celles que Le Chambon-sur-Lignon représente parfaitement : résister contre le populisme et le dogmatisme. Ça dépasse même l’antisémitisme. Le pire de notre société actuelle, c’est la démagogie. Le Chambon-sur-Lignon est là pour nous dire : “N’oubliez pas l’Histoire, parce que ce qui est en train de se passer aujourd’hui, c’est ce qui s’est passé dans les années trente !”. »
C’est une des raisons de votre présence aujourd’hui ?
« C’est tout le sens de ma présence aujourd’hui. Cette exposition s’adresse à l’Europe, dans ce contexte de montée de l’extrême droite qu’on revoit partout. Il faut résister encore aujourd’hui. »
Qu’est ce qui vous plaît dans le fait de peindre ?
« C’est de m’oublier moi-même. Depuis toujours, j’ai eu beaucoup de problèmes et encore plus dans mon enfance. Franchement, j’ai très mal commencé. La peinture est toujours au début une question de survie. C’est pourquoi j’ai créé la Source avec mon épouse, Élisabeth Garouste, où on s’occupe d’enfants issus de milieux défavorisés, non pas pour en faire des artistes, mais pour leur dire que l’utopie est à portée de main. Tout le monde a le droit de rêver, quelle que soit son origine familiale ».
Si on présente votre peinture figurative comme à la fois sauvage et classique, avec des couleurs et des formes audacieuses, sans contraintes de vraisemblance. Cela vous convient ?
« Je travaille beaucoup par association d’idées, de concordances de textes entre la mythologie grecque, les fables de La Fontaine et les mythes bibliques. Quand je suis dans l’atelier j’ai besoin que ce soit très construit dans ma tête. Mais une fois que le tableau sort de l’atelier, il appartient à celui qui le regarde. Et l’histoire que vous allez inventer en regardant mon tableau n’a rien à voir avec mon histoire. Mais la lecture que vous en ferez est plus importante que la mienne. »
Lieu de Mémoire, route du Mazet au Chambon-sur-Lignon. Tél. 04.71.56.56.65.
Bio express du fils d’un antisémite et pétainiste convaincu
Gérard Garouste est né le 10 mars 1946 à Paris. Artiste internationalement reconnu, ses œuvres sont exposées dans les plus grands musées du monde. En 2009, avec la publication de son récit autobiographique L’Intranquille , écrit avec la journaliste Judith Pérignon, il révèle publiquement le poids de son histoire familiale et ses problèmes psychiatriques. Il est le fils d’Henri Auguste Garouste (1919-2008), antisémite et pétainiste convaincu, condamné le 25 juin 1945 à rembourser les établissements Lévitan qu’il avait spoliés en 1943, durant la guerre. « Le paradoxe, c’est que l’antisémitisme familial m’a fait prendre conscience de ce qu’était le judaïsme, confie Gérard Garouste. Je me suis intéressé à la Bible hébraïque, le Talmud et la Kabbale, avant de finir par me convertir. »
À lire : L’Intranquille, par Gérard Garouste, avec Judith Perrignon, L’Iconoclaste.
A voir également : Hagadah, Gérard Garouste et Marc-Alain Ouaknine