L’iMac, l’iPod ou l’Iphone, le designer a conçu les plus lucratifs produits de l’entreprise américaine qui ont été à l’origine de son spectaculaire redressement. Mais, le petit génie n’est plus dans l’air du temps, explique dans sa chronique Philippe Escande, éditorialiste économique au « Monde ».
Pertes & profits
Sir Jonathan Ive est toujours vivant, mais on lui a réservé des funérailles nationales. L’emblématique concepteur des plus beaux et lucratifs produits d’Apple a droit à un éloge appuyé du patron à l’occasion de son départ, à la promesse de fidélité éternelle de son employeur et à une série en six épisodes dans le Financial Times, la bible des milieux d’affaires. Anobli en 2012 par la reine d’Angleterre, le petit Londonien au regard candide, entré discrètement en 1992 dans l’entreprise californienne, est un héros de la mythologie technologique de ce début de siècle.
A l’instar de Steve Jobs,il sera à l’origine du plus fantastique redressement d’entreprise de l’histoire économique moderne. En 1998, il signe son premier produit phare, l’ordinateur iMac et ses couleurs acidulées. L’entreprise est au bord de la faillite et soudain elle refait parler d’elle. Puis viendra la fortune. Apple sauve le marché de la musique avec l’iPod en 2001 et révolutionne le monde de la technologie avec l’iPhone, en 2007. Le premier vrai smartphone qui placera la société de l’information dans les poches de milliards d’individus. Viendront l’iPad, l’iWatch, les Macbook et autres AirPods, tous nés dans le cerveau de la vingtaine de petits génies rassemblés autour de l’inventif Britannique.
Retard dans la diversification
Mais le héros est fatigué. Son dieu Jobs est remonté aux cieux en 2011, et les temps ont changé. Apple est devenu la plus riche société du monde, mais elle ne s’est jamais autant interrogée sur son avenir. Sondé par le New Yorker en 2015, Jony Ive a confié son extrême lassitude. Il avait depuis pris du champ, quittant de moins en moins sa maison de San Francisco pour le magnifique nouveau siège de Cupertino. Une immense citadelle en forme de vaisseau spatial dont il a supervisé tous les plans avec Jobs. Comme ces empereurs chinois qui révisaient les détails de leur futur mausolée.
Les quelque 12 000 employés du Apple Park ne sont pas en terre cuite comme les soldats de l’empereur Qin enterrés au cœur de la Chine, mais ils cherchent la voie du salut. L’iPhone, qui représente 60 % des revenus de l’entreprise, ne fait plus la différence. Les relais de croissance peinent à s’affirmer, et l’entreprise est en retard dans la diversification menée tambour battant par Google, Facebook ou Amazon dans l’automobile, la voix ou le service aux entreprises.
Et puis, les magnifiques monolithes noir et acier, imaginés par Ive comme des objets sacrés et inviolables, qu’on ne peut améliorer, réparer, modifier, sont de moins en moins dans l’air du temps. Ils ne font plus rêver dans un monde inquiet et soucieux de la planète. Sir Jonathan ne sera pas l’homme du troisième âge du numérique.
Voir aussi « Les 7 produits d’Apple qui montrent l’influence du designer Jony Ive »