La fondation familiale FAMAE vient d’attribuer un prix de 500.000 euros à une société israélienne qui transforme les reins artificiels en station de potabilisation de l’eau. Une technologie israélienne tout simplement fabuleuse.
Tous les ans dans le monde, plus de 200 millions de dialyseurs sont mis au rebut. Ces cartouches qui servent à purifier le sang des insuffisants rénaux ne peuvent en effet servir que pour une seule personne et sont souvent à usage unique. Ce sont pourtant des objets de haute technologie. Ces reins artificiels sont en effet constitués de fibres percées de minuscules trous de 3 nanomètres (0,003 micron), une taille qui retient les 4 nanomètres de l’hémoglobine mais expulse sous la pression l’urée, la créatine, le potassium dont le poids moléculaire est plus faible.
Ce gaspillage a choqué Yoram Lass, un professeur émérite de la faculté de médecine de Tel Aviv (Israël) qui leur a trouvé un second usage: l’épuration de l’eau. «Ce médecin a eu une idée géniale, s’enthousiasme Mino Negrin, dirigeant de NUF filtration qui diffuse aujourd’hui la technologie. La molécule d’eau passe à travers un trou de 3 nanomètres, pas la plupart des polluants, y compris les virus et les bactéries, qui sont bien plus lourds ». Il suffit donc d’inverser la logique. En dialyse, le sang est maintenu dans la fibre et les polluants sont expulsés par les micro-trous. En matière d’épuration, ce sont les polluants qui restent dans la fibre et l’eau qui est expulsée.
Le déchet devient un outil de développement
La méthode simplissime n’exige qu’une stérilisation du dialyseur avant le réemploi. Son coût de base consiste à payer le prix de la collecte auprès des hôpitaux. Le système fonctionne avec une simple pompe à main et donc sans électricité et bannit tout usage de produits chimiques. Pour peu qu’on les nettoie à intervalle régulier, ces filtres ont une durée de vie de trois ans pour un coût d’installation unitaire de 1000 euros seulement. Cette série d’avantages a séduit Mino Negrin, spécialiste de la désalinisation de l’eau de mer et qui venait en 2012 de revendre son entreprise. « Vous vous rendez compte, une technologie de pointe devient disponible au prix le plus bas« , assure l’industriel.
Dans un premier temps, NUF filtration s’est intéressé au marché pouvant absorber le million de dialyseurs utilisés tous les ans en Israël : recyclage des eaux usées, nettoyage des piscines, irrigation des serres, fourniture d’eau potable pour les villages sans réseau d’eau potable. Un dialyseur traite 100 litres d’eau par heure. En en couplant plusieurs dizaines dans des armoires métalliques, on obtient des unités pouvant aller jusqu’à 100 m3 par heure.
Objectif 2030 : de l’eau potable pour tous
C’est cette dernière piste qui a retenu l’attention de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et de la fondation FAMAE. En 2017, la coopération israélienne a acheté des filtres pour aider le Cameroun à lutter contre une épidémie de choléra. De nombreux villages ont ainsi pu obtenir une eau potable et saine. A la suite de cette initiative, l’OMS a validé la technologie et appuie depuis sa diffusion notamment en équipant des camps de réfugiés au Mali et en République démocratique du Congo (RDC).
Plus de deux milliards d’hommes dans le monde n’ont toujours pas accès à l’eau potable. Le chapitre 6 des 17 objectifs du développement durable (ODD), décidés par les 195 Etats membres de l’ONU en 2015, vise à fournir cette ressource vitale à toute l’humanité d’ici 2030. Les dialyseurs jetés aujourd’hui par les hôpitaux principalement des pays riches pourraient demain aider à la réalisation de ce défi qui entrave le développement des pays pauvres.