Homme de théâtre, il avait démarré sa carrière sur les planches aux côtés de Patrice Chéreau, Jean-Pierre Vincent et Peter Brook. Au cinéma, il s’était illustré dans des rôles discrets chez Raul Ruiz, Michael Haneke ou Jean-Pierre Jeunet.
Dans leur boîte à souvenirs, les cinéphiles se souviennent de lui comme d’un acteur discret. Les amoureux des planches, eux, évoqueront sa présence sur scène dans de mémorables collaborations avec Patrice Chéreau ou Peter Brook. Le metteur en scène et comédien Maurice Bénichou est décédé dans la nuit de vendredi à samedi, à l’âge de 76 ans. Ses amis sont invités à se réunir à la salle de la Coupole du Père-Lachaise, à Paris, jeudi à 10h30 avant ses obsèques qui auront lieu dans l’intimité à Longpont-sur-Orge.
Le compagnonnage avec le metteur en scène britannique s’étendra sur des années, toutes plus fructueuses les unes que les autres. C’est à Maurice Bénichou que Peter Brook confie les rôles de Ganesha et Krishna dans sa production monstre du Mahabharata qui marqua si profondément le Festival d’Avignon en 1985. Huit ans plus tard, au TNP de Villeurbanne, il est également à l’affiche de L’Homme qui, adaptation troublante de l’essai du neurologue Oliver Sacks sur les patients atteints de problèmes neuropsychologiques.
Inquiétant chez Haneke, émouvant chez Jeunet
Dès 1976, Maurice Bénichou se lance dans la mise en scène avec Le Défi. En 1988, il signe deux grands succès. Aux Bouffes-Parisiens, il dirige Suzanne Flon dans Une absence, de Loleh Bellon, pièce pour laquelle il reçoit une nomination au Molière du metteur en scène. À Avignon, la même année, il met en scène Les Trois Soeurs de Tchekov, avec Niels Arestrup et Christine Murillo, adapté à la scène par Jean-Claude Grumberg. Plus tard, ce sera Knock, avec Fabrice Lucchini.
Le comédien s’est également illustré sur grand écran, tournant avec les cinéastes Claude Zidi, Raoul Ruiz ou encore Michael Haneke. En 1993, il est Bernard, le mari de Josiane Balasko, dans Tout le monde n’a pas eu la chance d’avoir des parents communistes, de Jean-Jacques Zilbermann. Il apparaît souvent dans des rôles inquiétants chez le cinéaste allemand (Code inconnu, Le Temps du loup et Caché), mais n’hésite pas à diversifier sa palette de personnages, incarnant un agent du Mossad dans Les Patriotes d’Éric Rochant, l’avocat anticolonialiste Jacques Vergès dans Omar m’a tuer ou Dominique Bretodeau, l’émouvant propriétaire de la boîte à souvenirs du Fabuleux Destin d’Amélie Poulain de Jean-Pierre Jeunet. Il avait par ailleurs prêté sa voix au rabbin du film d’animation de Joann Sfar Le Chat du rabbin.
Dix-sept ans après le Mahabharata d’Avignon, Maurice Bénichou avait retrouvé son rôle de dieu dans La Mort de Krishna, au Théâtre des Bouffe du Nord. Sur les notes égrenées par Sharmila Roy, il racontait comment la méprise du chasseur qui «perça Krishna d’une flèche à la plante du pied». «Dans la pénombre de la forêt j’ai pris tes deux pieds pour les oreilles d’une antilope. Ô Krishna, pardonne-moi!», expliquait le chasseur terrorisé. «N’aie pas d’inquiétude inutile, je meurs, c’est bien», lui répondait Maurice Bénichou, nimbé par le souvenir de ses errances indiennes et l’art de sa vie de tréteaux.
Maurice Benichou est l’époux de la comédienne Geneviève Mnich et le père de Julien Bénichou, chef d’orchestre et chef de chœur. Il est fait officier de la Légion d’honneur en juin 2013 par Aurélie Filippetti, ministre de la Culture.