Mise aux enchères à Los Angeles le 5 juin chez Christie’s, la correspondance échangée vingt ans durant avec Marianne Ihlen commence dès leur rencontre en 1960 sur une île grecque et se poursuit bien des années après leur séparation. C’est elle qui lui inspira So Long, Marianne.
«Tes lettres disent toutes que tu es à côté de moi. Alors pourquoi dois-je me sentir seul?», chantait Leonard Cohen dans So Long, Marianne. Le musicien canadien disparu en 2016 y disait le bonheur de l’amour, et ses vicissitudes. La jeune femme à qui il s’adresse a existé ; elle s’appelait Marianne Ihlen. Leur correspondance, réelle cette fois, a été mise en vente à Los Angeles, du 5 au 13 juin, récoltant 876.000 dollars chez Christie’s.
La collection, vendue par la famille Ihlen, retrace deux décennies d’amour, de 1960 à 1979, une cinquantaine de lettres de Leonard Cohen et sept de sa muse. Parfois manuscrites, parfois écrites à la main. La plus chère s’est vendue 56.250 dollars. Marianne Ihlen la Norvégienne fut son inspiratrice alors que Leonard Cohen n’est encore qu’écrivain, puis une durable confidente après leur séparation au début des années 1970.
Leur idylle tient du roman. Leonard Cohen a 26 ans ; il écrit de la poésie. Il débarque sur l’île grecque d’Hydra en 1960, devient un garçon à la vie de bohème, rencontre la blonde Marianne. Elle est mariée à un romancier norvégien. Elle tombe amoureuse du poète canadien. Leur histoire connaît des hauts et des bas. «C’est difficile de t’écrire, lui envoie-t-il un jour de septembre 1960, allongé au bord de la mer, à Tel Aviv. Le surf est trop lourd. Il y a trop de monde sur la plage, et tu es trop présente dans mon cœur pour y mettre quoi que ce soit.» Plus tard, en 1961, Leonard Cohen lui écrit de New York: «Pardonne mon long silence. Je ne me suis même pas parlé à moi-même».
«Je suis célèbre mais vide»
«Je veux que tu viennes à New York», insiste le jeune homme en février 1963. Marianne vit en Grèce, lui en Amérique. Leur maison lui manque mais un magazine lui a proposé de publier des extraits de son roman autobiographique, The Favourite Game. Pour la convaincre de le rejoindre, il lui redit son amour: «J’ai besoin de toi ma petite chérie, pour tellement de choses, pour dormir avec moi, marcher avec moi, manger avec moi, pour bâtir la maison dans laquelle je peux travailler.» Leonard Cohen devient un chanteur. L’année suivante, il lui crie «Je suis célèbre mais vide». Bien sûr, Marianne est celle de So Long, Marianne, mais elle lui inspire également Hey, That’s No Way to Say Goodbye. «Tes yeux pleins de chagrins sont doux», y psalmodie-t-il. Les lignes des chansons et des lettres se confondent.
Marianne Ihlen restera son amour de toujours. En juillet 2016, Leonard Cohen apprend la leucémie de Marianne. Il lui écrit une dernière missive, restée en dehors de la vente: «Au revoir ma vieille amie. Mon amour éternel. Rendez-vous au bout du chemin». Elle mourra quelques jours plus tard. Lui-même est fatigué, malade. Il décède en novembre de la même année. Marianne & Leonard: Words of Love, un documentaire consacré à leur relation, sortira le 5 juillet dans les salles.