Le directeur du Musée juif de Berlin, Peter Schäfer, a démissionné ce vendredi 14 juin alors que son établissement était pris depuis plusieurs jours dans une polémique sur l’antisémitisme après un tweet controversé sur la campagne de boycott palestinienne BDS.
Après plusieurs jours de polémique en Allemagne suite à un tweet jugé « antisémite », Peter Schäfer, le directeur du Musée juif de Berlin a remis sa démission ce vendredi 14 juin.
In eigener Sache: Prof. Peter Schäfer ist heute als Direktor des Jüdischen Museums Berlin zurückgetreten. https://t.co/8k9CqymT9H
— jmberlin (@jmberlin) 14 juin 2019
« En son nom propre : Le prof. Peter Schàfer a démissionné aujourd’hui de son poste de directeur du Musée juif de Berlin. »
« Le directeur de la Fondation Musée juif de Berlin, le professeur Peter Schäfer, a aujourd’hui proposé sa démission à la présidente du conseil de la fondation et ministre de la Culture Monika Grütters pour éviter de nouveaux préjudices au Musée », a écrit ce dernier sur son site internet, précisant que Monika Grütters avait accepté cette requête.
Si aucune raison précise pour ce départ n’était donnée, Peter Schäfer était sous pression depuis plusieurs jours, après que son service de presse a recommandé dans un tweet la lecture d’un article critique de la décision en mai du parlement allemand de considérer comme « antisémites » les méthodes du mouvement BDS (Boycott Désinvestissement Sanction).
Le musée jugé anti-israélien
Le BDS, fondé en 2005, est une campagne mondiale de boycott économique, culturel ou scientifique d’Israël destinée à obtenir la fin de l’occupation et de la colonisation des Territoires palestiniens. Nombre de responsables israéliens mais aussi allemands la jugent antisémite, ce dont cette campagne se défend avec véhémence.
Les questions liées à l’antisémitisme et à Israël restent extrêmement sensibles en Allemagne, dont l’identité est fondée notamment sur la repentance pour l’Holocauste et le nazisme. La résurgence de l’antisémitisme ces dernières années, sur fond de percée de l’extrême droite et d’arrivée de centaines de milliers de réfugiés du monde arabe selon les autorités, fait régulièrement les gros titres.
Pas un porte-parole d’Israël
Il a toutefois reconnu que la formulation utilisée était malheureuse et qu’il en aurait demandé une autre si on lui avait montré le texte avant publication. Après le tweet, le Conseil central des Juifs d’Allemagne avait tiré mardi à boulets rouges sur le musée juif, une véritable institution inaugurée en 2001 et très populaire auprès des touristes et des Berlinois.
« La coupe est pleine. Le musée juif de Berlin a semble-t-il perdu tout contrôle. Dans ces circonstances, il faut se demander si le qualificatif de « juif » est encore approprié », avait écrit sur Twitter le Conseil, auprès duquel Peter Schäfer affirme s’être excusé.
#mustread Der Beschluss der Parlamentarier hilft im Kampf gegen Antisemitismus nicht weiter: @tazgezwitscher über den Vorwurf von 240 jüdischen & israelischen Wissenschaftler*innen an den Bundestag, sich im Kampf gegen BDS instrumentalisieren zu lassen. https://t.co/XTUuAuvHJI
— jmberlin (@jmberlin) 6 juin 2019
Mais le directeur du musée avait aussi insisté auprès du Spiegel sur le fait que l’institution avait vocation à raconter « l’histoire, la culture et la religion du judaïsme en Allemagne »mais qu’elle n’était pas « porte-parole » de la communauté juive, « et encore moins de l’État d’Israël ».
« Une stupidité de ma part »
La presse allemande relève que le musée a essuyé des critiques répétées d’Israël en raison de son positionnement jugé anti-israélien. En mars, Peter Schäfer avait déclenché un tollé en accueillant dans son musée l’attaché à la Culture iranien, Seyed Ali Moujani, pour discuter d’une possible exposition de tonnes de photos d’archives de juifs iraniens, relève la Süddeutsche Zeitung.
L’ambassade iranienne a ensuite indiqué sur son site que Peter Schäfer avait convenu avec son invité que l’assimilation de l’antisionisme à l’antisémitisme « devait être examinée de près ». Citation supprimée à la demande du Musée juif.
« C’était une stupidité de ma part que de l’accueillir », a concédé Peter Schäfer au Spiegel. Le Premier ministre Benjamin Netanyahu a aussi vivement critiqué le Musée juif récemment en raison de son exposition « Welcome to Jerusalem » (bienvenue à Jérusalem, en français), qu’il jugeait hostile à Israël et pro-palestienne.
Le gouvernement allemand a ignoré la demande de Benjamin Netanyahu de retirer son soutien au musée, rappelle la Süddeutsche Zeitung. Peter Schäfer est remplacé dans l’immédiat par l’actuel gestionnaire du musée, Martin Michaelis.