Un selfie avec Miss Israël a fait de Sarah Idan une paria dans le monde arabe. Elle a été honorée ce jeudi à Genève, et a reçu le Prix Ambassadrice de paix lors d’un dîner de gala de l’ONG pro-israélienne UN Watch.
Elle n’a pas froid aux yeux, Sarah Idan. Les menaces de mort n’ont jamais cessé depuis ce fameux 13 novembre 2017 où l’ex-Miss Irak a posté sur Instagram un selfie pris avec la Miss Israël de l’époque, Adar Gandelsman. Sous la photo figurait ce commentaire a priori inoffensif: «Peace and love». Dans le monde arabe, l’image avait soulevé un tollé. Pas de quoi, pour autant, faire reculer la jeune femme, qui est venue cette semaine à Genève pour recevoir, ce jeudi soir à l’Hôtel Président Wilson, le Prix Ambassadrice de paix lors d’un dîner de gala de l’ONG pro-israélienne UN Watch.
«En Irak, on me reproche de parler politique, je suis censée me concentrer sur mon maquillage et la mode. C’est tellement sexiste! Et pourtant, ce qu’on attend des miss, c’est bien qu’elles souhaitent la paix dans le monde, non?» Bravant les critiques, la rebelle s’est rendue l’an dernier à Jérusalem. Puis le mois passé, elle accusait «le Hamas terroriste» de tirer des roquettes sur Israël pour provoquer des bombardements sanglants…
«Enfant, j’ai vécu en Irak ce que subissent les Palestiniens de la bande de Gaza: ils sont pris en otage par des groupes islamistes qui les utilisent comme bouclier humain, lançant des tirs depuis les zones résidentielles. Avec ma famille, fuyant les bombardements sur Bagdad, j’ai vécu dans un camp de réfugiés en Syrie. Aujourd’hui encore, je souffre de stress post-traumatique», lâche Sarah Idan sans s’arrêter sur sa lancée: «De retour en Irak, j’ai eu l’opportunité de travailler comme interprète pour l’armée des États-Unis. On m’en avait dit le plus grand mal, mais jour après jour j’ai découvert des militaires dévoués qui, sous les tirs de mortiers et malgré les attentats à la voiture piégée, tentaient d’aider mon pays à se doter de forces de sécurité.»
Installée depuis 2009 sur la côte ouest des États-Unis, dont elle a pris la nationalité, la miss irakienne devenue mannequin, musicienne et animatrice de télévision dit avoir vu son pays d’origine se radicaliser davantage à chacune de ses longues visites. «Aujourd’hui, une femme doit déjà s’estimer heureuse d’être en vie. Ses libertés disparaissent. Se promener seule sans un proche parent ou son mari, c’est encourir le risque d’un «meurtre d’honneur». Quant à moi, je serais tuée à coup sûr si je sortais habillée comme ceci, avec une minijupe ou une robe courte. Tara Fares, Miss Irak en 2014, a été abattue en pleine rue l’an dernier à Bagdad. La miss suivante, mon amie Shimaa Qasim, s’est enfuie en Jordanie suite à des menaces de mort.»
Féminicides en nombre
«Tant de personnalités féminines ont été tuées récemment en Irak!» Du coup, les mentalités sont de plus en plus étriquées, se désole-t-elle, car les Irakiennes les plus instruites quittent le pays. «Les femmes docteurs, architectes, artistes vivent à Dubaï, en Europe, etc. Parallèlement, l’influence de l’Iran augmente de jour en jour.»
En plus, poursuit-elle, «les médias arabes ne racontent jamais qu’une partie de l’histoire. Tout comme ils diabolisent les troupes américaines, ils sursimplifient le conflit israélo-palestinien. Je sais bien que c’est compliqué, je ne prétends pas avoir la solution, mais je peux vous dire que j’ai été très surprise, en visitant Israël, de voir circuler des musulmans. Par contraste, dans mon pays, on ne voit jamais de juifs. S’il y en a, ils cachent leur identité. Personnellement, c’est seulement à Jérusalem que j’ai découvert l’existence de juifs irakiens!»