Pour avoir, au péril de leur vie, caché une famille juive pendant la Seconde Guerre mondiale, Louise et Auguste Héry reçoivent la plus haute distinction civile de l’état hébreu.
Le dimanche 16 juin, Champvoisy, commune du canton de Dormans de 272 habitants, sera le théâtre de la cérémonie de reconnaissance du titre de Juste parmi les nations, attribué à Louise Héry à titre posthume et à son fils Auguste, 94 ans. Une distinction attribuée par Israël à ceux qui sont venus en aide aux Juifs, pendant l’occupation nazie
Une suite logique à une autre cérémonie, qui s’est tenue à côté du monument aux morts de la commune l’an passé, à l’occasion de la Journée nationale du souvenir des victimes et des héros de la Déportation. Ce 29 avril 2018, une stèle était dévoilée. Elle porte les noms de sept victimes juives de la déportation, qui avaient fui la capitale en 1943 et pensaient avoir trouvé refuge dans ce petit coin de Champagne : Joseph, Dora, Raymonde, Madeleine et Claudine Leska, Ginendla et Isaac Burak.
Une stèle voulue par Auguste Héry, mais qui ne fait pas l’unanimité, car elle rappelle des moments sombres de la commune. « La rafle des deux familles juives ne pouvait découler que d’une dénonciation, déshonorante pour Champvoisy » , estime-t-il
Elle souligne aussi que le meilleur existe. Les noms de Salomon et Marcel Burak n’y figurent pas, car le père et son fils de 10 ans ont échappé à la rafle du 22 février 1944, grâce à la mobilisation de quelques villageois. « Une gamine qui fait le tour du village pour prévenir de la présence des Allemands, ce qui permet au père de s’enfuir , raconte Auguste Héry. Le buraliste, qui met Marcel à l’abri à la ferme de la Défense. »
Le 22 février 1944, le grand-père et la mère d’Auguste Héry, sont aussi arrêtés par les Allemands. Depuis six mois ils hébergeaient chez eux la famille Burak. Auguste a même prêté son identité à Isaac pour qu’il puisse se faire opérer de l’appendicite. L’affaire n’ira pas plus loin. La police allemande les libère le lendemain. Les Leska et les Burak, eux, font partie du convoi 69 pour Auschwitz, « sans doute gazés dès leur arrivée. La date retenue pour leur décès est le 12 mars 1944 » , indique Auguste Héry.
Rempart contre l’oubli
« Monsieur Horvilleur, le président de la communauté juive d’Épernay était à Champvoisy en avril dernier pour l’inauguration de la stèle. C’est lui qui a fait la demande d’attribution du titre de Juste » , croit savoir Auguste Héry.
« Je ne l’aurais pas faite de moi-même, mais je ressens de la fierté, bien sûr, reconnaît-il. Mais le plus important à mon sens, est que ce pan de l’histoire ne tombe pas dans l’oubli comme je tenais à ce que la stèle soit installée pour qu’il ne disparaisse pas des mémoires de Champvoisy. » Le récit d’Auguste Héry, témoin direct des faits, est désormais enregistré dans la base de données du Mémorial de la Shoah. Cela rassure le vieil homme mais n’efface pas le regret. « Nous avons sauvé deux personnes, mais sept autres sont mortes dans les chambres à gaz et parmi elles des gamines de 8, 10 et 12 ans ! »
La cérémonie
La cérémonie de reconnaissance du titre de Juste parmi les nations attribué à Auguste Héry et à sa mère Louise, à titre posthume, se déroulera le dimanche 16 juin, à Champvoisy, à 14 h 30, devant la stèle dédiée aux sept juifs qui ont trouvé refuge dans la commune, avant d’être raflés et déportés.
À 15 heures, place de la fontaine, discours et récit des événements qui valent à Louise et Auguste Héry le titre de Juste. De nombreuses personnalités sont attendue, ainsi que Marcel Burak, seul rescapé des deux familles juives qui s’étaient installées à Champvoisy en 1943.
Juste parmi les nations
« Quiconque sauve une vie sauve l’univers tout entier« . Cette phrase du Talmud est gravée sur la médaille qui est remise, en plus d’un diplôme d’honneur, aux personnes reconnues « Juste parmi les Nations » la plus haute distinction civile de l’état d’Israël. Elle est attribuée par le mémorial de Yad Vashem à des personnes non juives qui, au péril de leur vie, ont aidé des Juifs persécutés par l’occupant nazi durant la seconde guerre mondiale. Leur nom est aussi gravé sur le mur des Justes de Paris et de Jérusalem.