Semion Rosenfeld, dernier survivant connu du camp d’extermination nazi de Sobibor et de la révolte qui s’y produisit, est décédé lundi à l’âge de 96 ans en Israël, a annoncé le président de l’Agence juive.
« Nous déplorons la disparition de Semion Rosenfeld, participant de la révolte de Sobibor, qui, dans l’horreur de la Shoah, est devenu un héros malgré lui », a indiqué dans un communiqué, Isaac Herzog, président de l’Agence juive.
Né en Ukraine, Semion Rosenfeld faisait partie de la cinquantaine de prisonniers qui avaient survécu à la fois au camp d’extermination de Sobibor, situé en Pologne alors sous occupation nazie, et à la Seconde Guerre mondiale.
De mai 1942 à l’été 1943, quelque 250.000 juifs, essentiellement déportés de l’est de la Pologne mais aussi des Pays-Bas, de la République tchèque et de la Slovaquie, ont péri dans le camp de Sobibor.
Ukrainien enrôlé dans l’armée soviétique, Semion Rosenfeld avait été fait prisonnier par les nazis et avait passé deux ans dans un camp à Minsk avant d’être envoyé à Sobibor. C’était 20 jours avant la révolte.
Semion Rosenfeld avait raconté dans les médias israéliens comment, à la différence de toute sa famille assassinée par les nazis, il avait échappé à la mort. Il avait menti aux officiers de Sobibor en se prétendant menuisier. Un officier auquel il avait demandé où se trouvaient ses camarades arrivés en même temps que lui avait désigné la cheminée fumante du crématoire qui faisait disparaître les victimes de la chambre à gaz.
Il relatait que le leader du futur soulèvement lui avait demandé s’il était capable de tuer quelqu’un. « J’ai dit que je pourrais seulement si c’était un nazi ». Il avait alors 21 ans.
Le 14 octobre 1943, la révolte éclatait, la plus importante et la plus célèbre dans l’histoire des camps de concentration nazis. Elle devait inspirer plus tard le cinéma et la télévision.
« Je n’avais pas peur, je n’avais pas le temps d’y penser, je voulais survivre », disait Semion Rosenfeld.
Conduits par un autre prisonnier de guerre juif de l’armée soviétique, Alexander Pechersky, armés d’outils et de couteaux, les détenus avaient tué 11 officiers nazis et s’étaient emparés d’armes, mais avaient été découverts.
« Responsabilité de raconter »
De nombreux prisonniers sont morts sous les balles des gardes, d’autres sur les mines enterrées autour du camp. Près de 300 prisonniers avaient réussi à s’enfuir en perçant une brèche dans les barbelés. Près de 170 révoltés avaient été capturés par les nazis et fusillés. Les nazis ont ensuite démoli Sobibor pour en effacer toute trace. Une cinquantaine de détenus du camp ont survécu après la guerre, selon Yad Vashem, le mémorial de la Shoah à Jérusalem.
Semion Rosenfeld est resté caché des mois dans les bois, jusqu’au printemps 1944, a réintégré l’armée soviétique et participé à la prise de Berlin, selon la presse israélienne. « Le destin avait décidé (qu’il serait) un héros », disait-il à la chaîne publique israélienne Kan. Il était retourné vivre en Ukraine après la guerre et avait immigré en Israël en 1990.
« Les derniers témoins disparaissant, la responsabilité de raconter leurs actes héroïques nous incombe », a dit dans un communiqué le président de Yad Vashem, Avner Shalev. Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a présenté ses condoléances à la famille du défunt, selon la chaîne Kan. « Rosenfeld avait combattu dans l’Armée rouge, avait été fait prisonnier par les nazis, il a réussi à s’enfuir du camp de la mort et a continué à lutter contre le nazisme. Que sa mémoire soit bénie », a-t-il dit.
Semion Rosenfeld devait être enterré mardi à Bnei Ayish (centre), selon les médias. Il laisse derrière lui deux fils et cinq petits-enfants, ont-ils dit.
Six millions de juifs ont été exterminés par l’Allemagne nazie. Selon des chiffres de l’Institut national des statistiques israélien publiés en 2017, 212.300 personnes vivant en Israël étaient des survivants de la Shoah, sur une population de 8,7 millions.
Sur ce total, 63.500 étaient des rescapés des ghettos, des camps de travail, des camps de concentration et d’extermination, ou ont vécu dans la clandestinité.