Le quotidien allemand le plus lu du pays prend parti après les propos honteux du commissaire du gouvernement chargé de l’antisémitisme : il appelle ses lecteurs à «construire (leur) propre kippa» pour «hisser le drapeau contre l’antisémitisme».
Bild, le quotidien le plus lu d’Allemagne, propose dans son édition de ce lundiune kippa à découper pour combattre l’antisémitisme, dans un pays en proie à une montée des attaques antijuives. Le commissaire du gouvernement allemand chargé de l’antisémitisme, Felix Klein, avait mis en garde samedi contre le port de la kippa en Allemagne.
La « DIY kippa » à découper en Une de Bild après le polémique conseil du délégué à la lutte contre l’antisémitisme allemand d’éviter d’en porter une « n’importe où » pour des raisons de sécurité. pic.twitter.com/GCVs9ELqAc
— Daphné Rousseau (@daphnerousseau) 27 mai 2019
Plusieurs voix se sont cependant élevées, en Allemagne ou en Israël, pour contester cet appel et estimer que les juifs devaient assumer leur appartenance religieuse.
Interrogé sur les déclarations de Felix Klein, le porte-parole d’Angela Merkel s’est également démarqué du commissaire chargé de l’antisémitisme. « L’État doit veiller à ce que le libre exercice de la religion par tous soit possible (…) et veiller à ce que chacun puisse se déplacer en toute sécurité avec une kippa n’importe où dans notre pays », a déclaré Steffen Seibert lors d’une conférence de presse régulière.
Le conseil central des Juifs d’Allemagne a lui déjà plus d’une fois mis en garde contre le port de cette calotte.
Bild après la TAZ et le Tagesspiegel
Bild prend parti dans ce débat en appelant ses lecteurs à être « solidaires avec (leurs) voisins juifs », à « construire (leur) propre kippa en quatre étapes simples et à hisser le drapeau contre l’antisémitisme ».
Les lecteurs peuvent découper la kippa, sur laquelle figure une étoile de David, en une du quotidien. L’an dernier, deux autres quotidiens, la TAZ et le Tagesspiegel, avaient déjà proposé à leurs lecteurs de découper un patron de kippa qu’ils avaient publié en Une.
Une kippa à découper en une du journal allemand Taz. Demain un appel général à porter une kippa à Berlin en signe de solidarité, dans un pays secoué par le malaise de sa communauté juive. #berlinträgtkippa #כיפה pic.twitter.com/F507HQYH0N
— Daphné Rousseau (@daphnerousseau) 24 avril 2018
Cette initiative avait pour but de dénoncer une attaque antisémite survenue quelques jours avant et qui avait particulièrement choqué à Berlin, quand un Israélien portant la kippa avait été frappé à coups de ceinture par un Syrien dans le quartier huppé de Prenzlauer Berg. La victime avait pu filmer une partie de la scène et l’avait postée sur Internet.
Wenn junge Männer bei uns attackiert werden, nur weil sie eine Kippa tragen, ist das unerträglich. Juden dürfen sich bei uns nie wieder bedroht fühlen. Wir tragen Verantwortung dafür, uns schützend vor jüdisches Leben zu stellen. https://t.co/n0gjePnPac
— Heiko Maas 🇪🇺 (@HeikoMaas) 18 avril 2018
Hausse de 20 % des actes antisémites l’an passé
Les pouvoirs politiques allemands se sont ouvertement inquiétés d’un antisémitisme importé par des migrants venus de pays hostiles à Israël, comme les Syriens, Irakiens ou Afghans arrivés en masse dans le pays en 2015 et 2016.
Les dernières statistiques du ministère de l’Intérieur ont toutefois montré que les auteurs de délits à caractère antisémite étaient à une écrasante majorité (90 %) issus des milieux de l’extrême droite.
Malgré des décennies de repentance pour l’Holocauste, l’Allemagne ne fait pas exception en Europe où, à l’instar de la France, les attaques contre les juifs se sont répandues.
Les actes criminels à caractère antisémite ont augmenté de quelque 20 % en Allemagne l’an passé, selon le ministère de l’Intérieur.